Le cerveau victime des pesticides
Si plusieurs études ont déjà montré les dangers des pesticides sur la santé, une équipe de chercheurs français vient d'établir les effets neurologiques des utilisations professionnelles de produits phytosanitaires. Et une fois encore, les résultats sont inquiétants.
Des scientifiques de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont observé l'évolution de la santé de plusieurs centaines de viticulteurs de la région bordelaise, pour certains, très exposés aux pesticides. Selon les premières données de l'étude, leurs fonctions cognitives, comme la mémoire, la concentration ou encore la vigilance, se dégradent plus rapidement que celles des personnes qui ne sont pas exposées à ces produits.
Menée depuis 1997, l'étude Phytoner, soutenue par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), a pour but d'apporter des données sur les conséquences de l'utilisation de substances phytosanitaires. Car les études épidémiologiques sur le sujet sont encore peu nombreuses et l'on manque d'informations sur les effets retardés des pesticides sur la santé des populations exposées. En France, entre 700 000 et 1 million de travailleurs sont pourtant concernés et nous sommes le premier utilisateur européen de ces produits chimiques.
Un métier particulièrement exposé
Choisis pour cette étude, les ouvriers viticoles représentent une population particulièrement vulnérable en raison des nombreux pesticides utilisés pour traiter les vignes. De plus la Gironde est "un département caractérisé par l’importance de son secteur viticole, dans lequel l'emploi de substances phytopharmaceutiques est, de longue date, particulièrement élevé", expliquent les chercheurs.
Trois phases d'étude
Malgré une prise en compte des principaux facteurs de confusion, comme l'âge, le niveau d'étude ou encore l'alcool, les deux premières phases d'étude ont mis en évidence "des altérations des performances aux tests neurocomportementaux chez les personnes professionnellement exposées aux pesticides par rapport aux sujets non exposés".
Une nouvelle série de tests doit maintenant permettre de suivre l'évolution de la dégradation des performances cérébrales chez les personnes exposées. L'analyse des données de ce troisième suivi pourrait révéler de nouvelles dégradations cognitives, voire l'apparition de maladies neuro-dégénératives telles que la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson. Des liens entre pesticides et santé déjà suggérés dans de précédentes études.
Des questions en suspens
Mais à ce stade de l'étude Phytoner, certaines questions restent en suspend pour les chercheurs : "Les effets sont-ils liés à la dose de produits à laquelle les ouvriers sont soumis au cours de leurs tâches professionnelles ? Les troubles observés peuvent-ils évoluer vers une maladie neuro-dégénérative ?", autant d’interrogations auxquelles les scientifiques devraient apporter une réponse d'ici la fin de l'année 2012.
En savoir plus
- Le lien entre maladie de Parkinson et pesticides officiellement reconnu, article du 10 mai 2012.
- Pesticides : la guerre est déclarée, mais pas gagnée, chronique de Morgane Belloir du 2 février 2012.
- Paul François : le combat d'un paysan contre Monsanto, interview du 22 février 2012.
- Pesticides : retour au bio, dossier complet.
- Parkinson : les séquelles des pesticides, reportage du 14 septembre 2009.
- Pesticides : un agriculteur français assigne Monsanto devant la justice, article du 12 décembre 2011
- Pesticides : un rapport parlementaire sur les risques sanitaires, reportage du 28 avril 2010.
- Prise en charge des maladies professionnelles, reportage du 26 novembre 2010.