Médicaments : Bercy s'attaque au monopole des pharmaciens
L'Inspection générale des finances (IGF) préconise la fin du monopole des pharmacies sur le prix de certains médicaments. L'objectif : limiter les marges jugées abusives par Bercy et diminuer les remboursements de l'Assurance-maladie.
Une nouvelle fois, les pharmaciens sont dans le viseur de Bercy. Un rapport de l'Inspection générale des finances (qui n'est pas encore rendu public) pourrait venir bousculer la profession en autorisant la vente, dans la grande distribution, de médicaments dont les prescriptions sont facultatives et qui ne sont pas remboursés par l'Assurance-maladie.
Ces recommandations de l'IGF ne s'appliquent pas aux médicaments vendus uniquement sur ordonnance, mais ceux dont la prescription est facultative et qui peuvent être remboursés (comme le Doliprane® ou l'Aspégic®…) ou ceux qui ne sont pas remboursés (Nurofen®, Fervex®…).
Contrairement aux médicaments vendus uniquement sur ordonnance dont le prix de vente est fixé par l'Etat, le prix de vente des médicaments non remboursables est laissé à la discrétion du pharmacien qui détient le monopole de vente.
Pour justifier sa proposition, le rapport de l'IGS indique que le prix des médicaments non remboursables a augmenté de plus de 3% entre 1998 et 2011, soit deux fois plus vite que le coût de la vie depuis 15 ans. Les pharmaciens, eux, expliquent que s'ils ont augmenté les prix des médicaments non remboursables, c'est pour maintenir leur niveau de rentabilité face à la baisse des prix des médicaments remboursables qui s'est accélérée depuis 2006.
Le rapport de l'Inspection générale des finances juge ces marges trop importantes. Tout comme l'association de consommateurs UFC-Que Choisir qui a mené une étude sur le prix de l'aspirine vitaminée Upsa®. Selon les officines, son prix peut varier de 1,30 euros à 4,95 euros.
Des médicaments vendus en supermarchés ?
L'objectif pour l'IGS, c'est d'ouvrir le secteur des médicaments à prescription facultative à la concurrence, en autorisant notamment leur délivrance dans des grandes surfaces. Une mesure contre laquelle Gilles Bonnefond, président délégué de l'Union syndicale des pharmaciens d'officines, s'oppose radicalement. "Ca n'a aucun sens, un médicament ça doit rester en pharmacie. Un médicament, ce n'est pas banal". Le pharmacien met en garde contre la délivrance de certains médicaments en grandes surfaces, où il n'y aurait plus aucune recommandation sur le mésusage : "La grande distribution n'a aucune compétence, ni aucune visibilité en matière de santé".
Gilles Bonnefond dénonce d'ailleurs la "cacophonie" qui règne au gouvernement autour de ce dossier. "Pourquoi le ministre des Finances intervient-il sur ce sujet et pas la ministre de la Santé, qui a par ailleurs rappelé en décembre 2013 qu'elle s'opposait à la vente de médicaments en grandes surfaces ?", s'interroge Gilles Bonnefond. "Bercy s'est fait le haut-parleur de la grande distribution" selon lui.
L'idée de mettre des pharmaciens dans les grandes surfaces ne satisfait pas non plus Gilles Bonnefond qui craint que le pharmacien "soit sous les ordres d'un chef de rayon dont l'objectif sera la rentabilité".
Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) va dans le même sens. Pour Marc Paris, "il faut éviter à tout prix de faire passer les médicaments comme des produits de consommation courante. Il faut insister sur la façon consciencieuse de prendre des médicaments, et la vente libre va, selon moi, à l'encontre de ce message de santé publique". Même s'il reconnaît que d'une officine à l'autre, les différences de prix peuvent être importantes, "les questions économiques ne doivent pas éclipser les dimensions de santé publique".
Numerus clausus et liberté d'installation
Par ces mesures, l'Inspection générale des finances souhaite voir baisser le prix des médicaments non remboursés et "obtenir une diminution des tarifs réglementés pour ceux des médicaments qui sont remboursables, et donc une diminution des remboursements de l'Assurance-maladie". Les autres recommandations de l'IGF prévoient la fin du numérus clausus pour les étudiants en pharmacie ou encore la liberté d'installation pour les pharmaciens.
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