Recherche : comment les moustiques résistent aux virus qu'ils transportent ?
Comment les insectes parviennent-ils à vivre infectés par des virus, qui chez l'homme, peuvent tuer ? Selon une équipe de l'Institut Pasteur, ceci s'explique par un drôle de mécanisme immunitaire qui permet aux insectes de contrôler le virus, et au virus de persister…
Dengue, Chikungunya, virus du Nil occidental : chez l'homme, ces virus font des ravages. Chez le moustique qui les transmet, en revanche, ils persistent pendant toute la vie de l'animal.
Une étonnante stratégie immunitaire
Comment les insectes infectés cohabitent-ils avec ces virus ? Et comment ces virus résistent-ils chez leur hôte ? Une équipe de l'Institut Pasteur a mis au jour l'étonnante stratégie immunitaire dans laquelle l'insecte, comme les virus, trouvent leur avantage... Leur étude est publiée dans Nature Immunology.
"Nous sommes partis d'une question basique", explique Carla Saleh, qui a dirigé les recherches : "Malgré un système antiviral très efficace chez l'insecte, comment le virus continue-t-il à répliquer ?"
Les virus étudiés sont des virus à ARN - leur génome viral est composé d'ARN. D'ordinaire, un virus, une fois qu'il a trouvé un hôte, va se répliquer (l'ARN se réplique, on obtient une copie de virus). En se répliquant, ce type de virus tue peu à peu les cellules ADN de l'organisme infecté.
Mais dans le mécanisme très étonnant observé ici chez les insectes, le virus ARN va interagir avec les cellules de son hôte. Résultat : une partie du virus va se transformer en ADN - on appelle ça le mécanisme de "transcription inverse". La présence de cette copie d'ADN viral est clé : le virus ne va pas "tuer" les cellules de l'insecte, et assure ainsi sa survie et son moyen de réplication.
Mais revers de la médaille pour le virus : "En se transformant en ADN, il se trahit : il va en effet être reconnu par le système immunitaire de l'insecte, lequel s'en trouvera boosté", poursuit Carla Saleh. Conséquence : grâce à son système immunitaire boosté, l'insecte contrôle la réplication du virus. Et la boucle est bouclée : le virus persiste, et l'insecte peut vivre avec, sans présenter aucun symptôme.
Quid des applications concrètes de cette découverte ?
"Dans le domaine des virus, on essaie toujours d’arrêter leur propagation chez l'homme, en développant des vaccins", explique Carla Saleh. "On pourrait tout aussi bien réfléchir à agir sur le vecteur du virus : l'insecte."
En d'autres termes, maintenant que l'on connaît mieux son fonctionnement, on pourrait agir sur le système immunitaire de l'insecte et développer une stratégie pour arrêter la réplication et la transmission du virus.
Du côté de la recherche fondamentale, l'idée est désormais de voir si ce mécanisme immunitaire est aussi présent chez le mammifère.
Etude source : "RNA-mediated interference and reverse transcription control the persistence of RNA viruses in the insect model Drosophila", Nature Immunology(2013), doi:10.1038/ni.2542
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