Trop d'antibiotiques avant 2 ans pourrait accroître le risque d'obésité
Les enfants de moins de 2 ans ayant reçu de façon répétée des antibiotiques à large spectre ont un risque accru d'obésité infantile, selon une étude publiée le 29 septembre dans la revue JAMA Pediatrics. S'agit-il des conséquences des pathologies traitées, ou bien des médicaments eux-mêmes ?
Les chercheurs ont étudié les dossiers médicaux électroniques de 64.580 enfants de la naissance à leurs 5 ans en moyenne, sur une période comprise entre 2001 et 2013.
Deux tiers des enfants avaient reçu des antibiotiques avant l'âge de deux ans. Les chercheurs ont déterminé que ceux qui avaient été traités "quatre fois ou plus" avec des antibiotiques avant l'âge de 2 ans présentaient un risque statistiquement accru de souffrir ultérieurement d'obésité. Du fait de l'existence de nombreux autres facteurs favorisant l'obésité, une forte incertitude est attachée à l'estimation de ce sur-risque (entre +2% et +21%).
Dans le détail, les antibiotiques à spectre étroit (qui ciblent un petit nombre de bactéries) ne sont pas incriminés par l'étude : les données ne révèlent aucun lien entre prescription de ces médicaments et l'obésité, à court, moyen ou long terme, quelque soit la quantité administrée dans l'enfance.
L'effet statistique est observé lorsque des antibiotiques à large spectre sont administrés. Toute prescription avant 5 mois est lié à un risque d'obésité augmenté (estimé entre +3% et +19%). Il en va de même lorsque ces antibiotiques sont prescrits entre 6 et 11 mois (+4% à +14%).
Lorsque ces antibiotiques sont prescrits plus de quatre fois avant l'âge de 2 ans, le sur-risque est évalué entre +6% et +29%.
Antibiotiques et obésité : lien de cause à effet, ou simple corrélation ?
Les antibiotiques à large spectre peuvent-ils induire l'obésité, ou celle-ci n'est-elle qu'une conséquence de certaines pathologies traitées par ces médicaments ? De nombreux autres facteurs prédictifs de l'obésité, également mis en lumière par l'étude du JAMA Pediatrics, ne sont pas des "causes" de cet état : ainsi, les patients nord-américains ayant une assurance de santé publique ont plus de risques que les autres de souffrir d'obésité. Or, le fait de ne pas détenir une assurance privée révèle simplement le plus faible statut socio-économique des familles (en lien avec une plus forte prévalence de pratiques alimentaires favorisant l'obésité).
Cependant, les antibiotiques pourraient réellement influer sur la prise de poids, en provoquant des modifications de la flore microbienne intestinale, et par là-même la capacité de ces micro-organismes à dégrader certains aliments. Des études récentes ont ainsi déjà mis en cause l'effet de la prise de probiotiques sur la prise de poids. D'autres travaux ont également démontré chez la souris qu'une modification de la flore intestinale pouvait entraîner une perte de poids.
Au vu de ces présomptions, les auteurs des travaux publiés dans le Journal of the Medical American Association (JAMA Pediatrics) soulignent "la nécessité d'adopter des directives d'utilisation des antibiotiques pour des maladies pédiatriques courantes", et préconisent un usage limité de ces médicaments, "lorsque [leur] efficacité a bien été démontrée".
Source : Association of Antibiotics in Infancy With Early Childhood Obesity L. Charles Bailey et coll. JAMA Pediatr. publication avancée en ligne du 29 sept. 2014. doi:10.1001/jamapediatrics.2014.1539
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