Quid des effets du vélo sur notre vie sexuelle ?
Avec le déconfinement, le vélo a la cote ! Et bonne nouvelle pour les cyclistes : même si la pratique du vélo peut ne pas être sans conséquences pour la santé, les études sont rassurantes sur son impact sur la sexualité. Explications.
Le cyclisme, un sport dangereux pour la sexualité masculine ?
C'est ce qu'avaient avancé diverses études alarmant sur les conséquences sexuelles de ce sport. En 2007, une revue systématique (synthèse d'études), The vicious cycling: bicycling related urogenital disorders, avait tiré l'alerte et mis en garde les urologues : gare aux troubles causés par la pratique du cyclisme, telle que la dysfonction érectile, la compression du nerf pudendal (appelée syndrome d'Alcock), la prostatite et l'élévation du PSA. Des lésions telles que le troisième testicule ou l'hygroma peuvent également survenir.
Le risque de dysfonction érectile avait été retrouvé dans différentes études, comme une méta-analyse datant de 2005 et une étude, publiée en 2007, Bicycle riding, perineal trauma, and erectile dysfunction.
D'après certaines données, il survenait à partir de 3 heures ou plus de vélo par semaine. De quoi alerter les cyclistes du dimanche qui partent souvent pour quelques heures…
Pas d'impact sur l'érection mais un engourdissement du périnée
Retournement de situation ces dernières années, plusieurs études infirment le risque de trouble de l'érection, comme cet article publié dans Urology times en mars 2020 reprenant des données étudiées en 2017. Les auteurs se penchent cette fois sur l'érection et les habitudes de 3 932 sportifs, cyclistes, nageurs et joggers.
Conclusion : le risque de dysfonction érectile chez les cyclistes n'est pas majoré en comparaison aux autres athlètes. Mais les amateurs de vélo présentent un risque plus élevé et statistiquement significatif d'engourdissement génital, de rétrécissement de l'urètre (le conduit par lequel passe l'urine depuis la vessie) ou encore de blessures provoquées par la selle.
L'engourdissement périnéal n'évoluerait pas forcément en trouble sexuel, et s'expliquerait par une compression des vaisseaux au niveau du périnée et une paralysie du nerf pudendal, un nerf relayant la sensibilité de la zone.
Après une longue séance de vélo, les cyclistes rapportent souvent un périnée engourdi ou un peu anesthésié.
"Le premier signe est souvent une difficulté à uriner, détaille le Dr Desvaux. Les cyclistes professionnels le savent bien et c'est accompagné d'une sensation de ne pas sentir son pénis. Donc même si l'on est amateur, toute modification de la sensibilité du pénis doit faire consulter."
Certains ajustements de la pratique réduisent les pressions sur le périnée et par là même l'engourdissement. Les auteurs de l'étude d'Urology times ont ainsi modélisé un vélo pour analyser avec plus de précision les pressions au niveau du périnée et déterminer comment les diminuer ; même si l'engourdissement n'est pas associé à un risque plus élevé de dysfonction érectile, il parait logique d'éviter le plus possible cette sensation.
"Le conflit entre la selle et le périnée existe bel et bien, confirme le Dr Desvaux. Il y a des règles pour l'améliorer : il faut choisir des selles plus courtes et remonter le guidon pour ne pas plonger come les cyclistes du tour de France."
Les cylistes gagneront en confort ce qu'ils perdront en performance. La position debout 20% du temps réduit également le risque d'engourdissement.
Si une revue systématique, publiée très récemment en mars 2020 dans le Journal of sexual medicine, a pu alerter les amateurs de vélo, il faut signaler qu'elle n'a trouvé que 6 études répondant à des critères méthodologiques fiables, sur 843. Le risque de dysfonction érectile n'est pas augmenté chez les cyclistes en comparaison des non cyclistes lorsque l'âge et différentes co-morbidités n'étaient pas prises en compte. En revanche, en ajustant sur l'âge et les co-morbidités, il l'est chez les cylistes. Les auteurs concluent que "des revues limitées établissent qu'une corrrélation positive pourrait exister chez certains cyclistes".
Hygroma et troisième testicule…
D'autres lésions peuvent survenir chez les cyclistes après une pratique intensive (plus de 10.000 km par an). Le Dr Menuet, médecin du sport, y a consacré plusieurs articles dans le cadre du retentissement du vélo sur le périnée et la sexualité ; ils sont consultables sur son site Internet de Conseils en médecine du sport.
L'hygroma est une inflammation d'une bourse séreuse, un coussinet qui protège les tendons en regard de la tubérosité ischiatique, un relief osseux situé au niveau des os du bassin, entre le scrotum et l'anus. La compression répétée entraîne une tuméfaction rouge, qui fait mal, et la bourse se remplit alors de liquide synovial en réaction à l'inflammation. Si l'hygroma est pris en charge rapidement, une infiltration de corticoïdes peut suffire mais si ce n'est pas le cas, une intervention chirurgicale sera nécessaire pour retirer l'hygroma. Il ne faut donc pas hésiter à consulter en cas de tuméfaction.
Autre risque, le troisième testicule qui est une lésion donnant l'impression d'un autre testicule, parfois plus. Il survient chez les cyclistes soumis à de grosses charges d'entraînements. Cette fois-ci, il s'agit d'un nodule solide, qui ne contient pas de liquide, à l'inverse de l'hygroma et qui se développe derrière les bourses. Sa taille peut gêner la pratique du vélo, rendant l'assise sur la selle et le pédalage difficiles. "Le traitement fait appel aux anti-inflammatoires puis à la chirurgie s'ils sont insuffisants", ajoute le Dr Desvaux.
La prostate aussi
Autre affection qui avait été potentiellement liée au cyclisme : la prostatite.
"Je n'en ai jamais vu, relativise le Dr Desvaux. Mais cela peut jouer par le biais de la circulation sanguine. Ce n'est pas développé chez les cyclistes du dimanche".
Ce que confirme l'étude de 2020 d'Urology times, qui ne retrouve pas de différence statistique entre les cyclistes et les non-cyclistes, dans les troubles de la prostate.
D'après le Dr Desvaux, "'on n'en sait pas plus en pratique... Mais une prostate bien vascularisée se porte mieux, se défend mieux. Je prescris systématiquement un médicament dans les suites de prostatite ou les troubles de la prostate chroniques".
D'après le Dr Menuet, le PSA, Prostatic Specific Antigen, dosé pour rechercher un cancer de la prostate pourrait également subir une augmentation à cause de la compression de la prostate lors de la pratique du cyclisme. Il conseille par conséquent d'attendre un délai de trois jours de repos cycliste pour doser le PSA.
"En pratique, chez les gens qui ont un PSA sans problème, je ne donne pas d'instruction particulière, évalue le Dr Desvaux, hormis de ne pas avoir d'éjaculation (rapport sexuel ou masturbation) la veille au soir. Mais chez ceux qui ont eu une activité cycliste importante, je leur dis d'attendre un peu."
Chez les femmes : engourdissements, douleurs...
Chez les cyclistes femmes, les études ont étudié la lien entre les troubles sexuels et les symptômes d'engourdissement et de douleurs, par compression du nerf pudendal.
Ainsi, une étude de 2006 (Genital sensation and sexual function in women bicyclists and runners: are your feet safer than your seat ?, publiée dans le Journal of sexual medicine) montrait que qu'il y avait une association entre la pratique de compétitions de cyclisme et les sensations au niveau génital et les organes génitaux, chez les femmes pratiquant des compétitions de cyclisme. Mais aucun effet sur la sexualité et sur la qualité de vie n'avait été retrouvé.
Une chercheuse américaine, le Dr Guess, s'était penchée en 2011 sur le cas des cyclistes femmes, qui se plaignaient de douleurs au niveau génital, d'engourdissement et d'œdème au niveau du périnée (étude source : Women's bike seats: a pressing matter for competitive female cyclists). Elle avait montré que certaines formes de selles affectaient la pression mais il n'y avait pas de lien apparent avec la sensibilité du nerf pudendal. Elle concluait toutefois que d'autres études étaient indispensables pour vérifier le retentissement à long terme sur le nerf et sur la sexualité.
Enfin, une autre étude, The bar sinister: does handlebar level damage the pelvic floor in female cyclists ?, a montré en 2012 que les guidons positionnés plus bas que les selles étaient associés à une augmentation des pressions au niveau du périnée et une diminution des sensations génitales. Les auteurs avaient donc conclu que de meilleurs réglages pourraient peut-être diminuer les neuropathies chez les femmes cyclistes.
En 2017, une étude portant sur 2691 femmes dont 39% étaient cyclistes, se veut rassurante. Relayée en mars 2020 par l'American urology association, elle montre que le cyclisme n'a pas d'effet notable sur les fonctions sexuelles et urinaires. Elle relève toutefois un risque augmenté de développer un engourdissement du périnée et des infections urinaires.
"Ca paraît logique mais tout dépend des femmes, modère le Dr Desvaux. Ce n'est pas forcément liée à la pratique cycliste, cela peut être indépendant et lié à d'autres facteurs".
D'après l'étude, les cyclistes qui pratiquent avec une haute intensité (plus de 3 fois par semaine, depuis plus de 2 ans, avec une moyenne quotidienne de plus de 25 miles) étaient plus à risque de développer un engourdissement périnéal et des blessures liées à la selle.
Pour les hommes comme pour les femmes, le vélo reste une pratique sportive largement bénéfique.
"C'est un sport cardio intéressant car c'est un effort soutenu et long, confirme le Dr Desvaux. Ma recommandation est, après 50 ans d'avoir un fréquencemètre et rester à 100/110 battements de cœur."
Mieux vaut prévenir que guérir
Hors de question d'abandonner son vélo et de délaisser une activité physique de crainte d'un retentissement sexuel ! Tout est question de mesure et quelques astuces permettent d'assouvir sa passion en toute sécurité.
Afin d'éviter tous ces troubles, les recherches ont porté sur l'amélioration des connaissances sur le design du vélo. Types de selles et position du cycliste ont été étudiées et plusieurs travaux ont été publiées à ce propos.
Bonne nouvelle, rassurent les auteurs d'une étude publiée en 2010 dans le Journal of Sexual Medicine (Bicycle Riding and Erectile Dysfunction) : en choisissant certains types de selle et de vélo, en adaptant sa position sur le vélo, il est tout à fait possible de minimiser les pressions sur la région périnéale.
Une selle choisie avec soin
La selle optimale est une selle large, "à nez raccourci", non rembourrée et qui permet un placement correct des os en s'asseyant dessus. La revue systématique Erectile dysfunction and amatorial cycling, datant de 2008, recommande que la partie postérieure de la selle soit aussi large que les tubérosités ischiatiques (les os que l'on peut sentir saillir lorsque l'on est assis), avec une selle adaptée à la morphologie du cycliste.
Un vélo de route
Ils conseillent également de délaisser les vélos de montage (mountain bikes), associés à un risque plus élevé de dysfonction érectile, au profit des vélos de route. Et ils vont même jusqu'à recommander le vélo couché, tout en convenant que ce n'est pas une option très pratique ! Le moins que l'on puisse dire en ville...
Un guidon réglé plus haut que la selle
Un réglage adéquat du guidon, au-dessus de la selle, est essentiel : inutile de jouer les cyclistes professionnels avec un guidon plus bas que la selle, néfaste pour la sexualité. Positionner son guidon au-delà de la hauteur de la selle est vivement recommandé.
Se mettre debout sur les pédales
Régulièrement, il est important de quitter la position assise pour se lever sur ses pédales. Le but ? Libérer un peu le périnée, toutes les 10 minutes selon les auteurs de l'article.