Le don d'ovocytes, comment ça marche ?
Beaucoup moins répandu que le don d'organe ou le don du sang, le don d'ovocytes permet de donner à plusieurs milliers de couples infertiles l'espoir de devenir parents.
Un enfant grâce au don d'ovocytes
Pour les femmes qui souffrent de ménopause précoce par exemple, d'une insuffisance ovarienne, les femmes dont les gamètes ont été détruits à la suite d'un traitement médical ou encore celles qui ont subi de nombreux échecs de fécondation in vitro, le don d'ovocytes est la seule chance de grossesse.
Mais malgré une forte augmentation du nombre de donneurs, les centres de dons ne peuvent toujours pas répondre aux besoins de tous les couples qui ne peuvent pas avoir d'enfants. D'après l'Agence de la biomédecine, 3.000 dons seraient nécessaires pour répondre à la demande. Or, en 2016, seulement 746 femmes ont fait don de leurs ovocytes.
Les délais d'attente s'allongent, pouvant aller jusqu'à plusieurs années. Alors si vous êtes une femme, que vous avez entre 18 et 37 ans, que vous ayez ou non des enfants, vous pouvez faire évoluer cette situation. Anonyme et gratuit, le don d'ovocytes est remboursé à 100% par l'Assurance maladie.
Le prélèvement, une étape clé du don d'ovocytes
Donner ses ovocytes est un processus long et contraignant. Beaucoup plus qu'un don de sperme. En voici les étapes clés :
1 - un premier rendez-vous pour s'informer et donner son consentement
2 - un bilan médical
3 - un entretien avec un psychologue
4 - une phase de stimulation ovarienne
5 - un prélèvement
Le prélèvement d'ovocytes se déroule en hospitalisation de jour, 35 heures environ après la dernière injection. Une dizaine de minutes suffit pour prélever les ovocytes, mais la donneuse reste en observation quelques heures après la ponction.
La ponction ovocytaire se fait par voie vaginale, sous contrôle échographique et sous anesthésie locale. Les follicules recueillis sont nettoyés et débarrassés des cellules qui entourent les ovocytes. Les médecins biologistes peuvent alors voir s'ils ont bien répondu à la stimulation hormonale. Quelques heures seulement après le prélèvement, les ovules sont fécondés en laboratoire pour peut-être permettre à un couple d'avoir l'enfant qu'il espérait tant.
Pour lutter contre l’horloge biologique, elles congèlent leurs ovocytes
Devant la pression de l'horloge biologique, des Françaises décident de faire congeler leurs ovocytes à l'étranger. La pratique est illégale en France, mais un récent avis du Comité d'éthique pourrait faire évoluer la législation.
De nombreuses Françaises ont pu reprendre espoir le 25 septembre 2018 après la publication du nouvel avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur la congélation d'ovocytes, aussi appelée autoconservation. Le Comité, jusqu'ici opposé à cette pratique hors conditions particulières, préconise désormais son autorisation. Et cet avis pourrait bel et bien influencer la future loi sur la bioéthique. Pour le moment en effet, en France, l'autoconservation n'est possible que si la patiente souffre de maladies affectant sa fertilité, ou si elle accepte de faire don de plusieurs ovocytes. Celles qui ne remplissent aucun de ces critères partent donc à l'étranger, notamment en Espagne.
"Pour moi, le déclic, ça a été le cap des 35 ans. On se dit que ce sera toujours plus tard, mais tout d'un coup, on les a", confie la journaliste Myriam Levain, auteure de Et toi tu t'y mets quand ? (Flammarion). Celle qui a fondé le média en ligne Cheek magazine le confie sans fard : elle n'a pas encore trouvé l'homme de sa vie, et ne sait pas si elle désire être mère un jour. Mais elle ne veut pas faire une croix sur cette hypothèse pour autant. Aussi a-t-elle décidé de congeler ses ovocytes pour se laisser le temps de la réflexion. Et de raconter son parcours dans un livre.
La congélation en question
Pour elle, comme pour toutes les Françaises souhaitant congeler leurs ovocytes, les choses n'ont pas été simples. Et pour cause : cette pratique n'est pas légale dans l'Hexagone, sauf indications particulières. Les femmes désireuses de faire vitrifier leurs ovules doivent donc se rendre dans des cliniques étrangères, souvent en Espagne. C'est le cas de Cécile, qui a fait congeler ses ovocytes en avril dernier : "En été 2017, j'ai eu mon premier rendez-vous dans une clinique de Barcelone, et on m'a expliqué la marche à suivre". De retour en France, Cécile est allée voir un gynécologue habitué de la procédure. "La gynécologue espagnole a fait une liste de prescriptions et l'a envoyée à mon gynécologue français. Il en a fait un double, et m'a fait faire des examens cliniques", poursuit-elle. Le médecin de Cécile a notamment fait une échographie et une prise de sang pour vérifier l'état de sa réserve ovarienne. "Mon gynécologue a ensuite envoyé les résultats des tests en Espagne, et il a reçu une nouvelle ordonnance avec un traitement hormonal", ajoute Cécile.
Ce traitement, c'est la stimulation ovarienne : pendant une dizaine de jours, grâce à des injections quotidiennes, la patiente favorise la production et la maturation de ses ovocytes. "A partir du 5e ou du 6e jour, on doit faire une échographie régulière pour voir si ça évolue bien. On doit envoyer ses résultats en Espagne, et attendre de savoir si c'est le bon moment pour sauter dans l'avion", explique Cécile. Car les patientes doivent s'attendre à être appelées par la clinique à tout moment. Une fois sur place, la ponction a lieu, le plus souvent sous anesthésie générale. Les ovocytes ainsi récoltés sont vitrifiés dans de l'azote liquide à – 196°. La patiente pourra en demander la décongélation pour procéder à une fécondation in vitro (FIV) quand elle le souhaitera, jusqu'à sa ménopause. Entre la première étape et la ponction, le processus peut prendre plusieurs mois.
Une procédure particulièrement coûteuse
Mais les femmes en mesure de faire congeler leurs ovocytes sont peu nombreuses. Tout d'abord, l'opération coûte très cher. Pour Myriam Levain, l'ensemble des frais engagés s'est élevé à 4.000 euros. "La ponction en elle-même coûte 2.500 euros", prévient-elle. Une somme à laquelle il faut ajouter 1.000 euros selon le remboursement des traitements, mais aussi le transport et l'hébergement de dernière minute. La patiente doit, en outre, pouvoir se rendre à l'étranger à tout moment, et s'aménager du temps pour suivre son traitement hormonal. Ses horaires de travail doivent de fait être assez flexibles.
"Ce qu'on ne sait pas vraiment, par ailleurs, c'est qu'une femme qui part faire congeler ses ovocytes, on lui conseillera de faire un deuxième cycle. Ce n'est pas clairement dit comme ça au départ, mais on s'embarque parfois pour quatre ou cinq ponctions pour espérer atteindre l'objectif de 15 ou 20 ovocytes vitrifiés", prévient le Pr Michaël Grynberg, spécialiste de la reproduction. En effet, passés 35 ans, il est rare que la patiente "récolte" assez d'ovocytes en une seule ponction pour avoir de réelles chances de grossesse. "En-dessous de 35 ans, il y a de bonnes chances de succès si les ovaires sont normaux. Elles sont l'ordre de 70-80% si on ponctionne une quinzaine d'ovocytes. Mais à 35 ans, on en ponctionne, en moyenne, une dizaine", explique le Pr François Olivennes, gynécologue-obstétricien spécialiste de la fécondation in vitro et de la reproduction. Pour lui, il est donc clairement préférable d'opter pour un deuxième cycle.
Le Comité d'éthique, longtemps vent debout contre l'autoconservation
Les deux gynécologues se rejoignent sur un point : si l'autoconservation était possible en France, les soucis des principales concernées seraient grandement allégés, et l'opération ne serait plus considérée comme un luxe. Pour l'instant néanmoins, la pratique reste interdite. Sur la question, le CCNE avait jusqu'à présent émis un avis résolument négatif, qu'il justifiait, entre autres, par un risque de pression des entreprises sur leurs salariées. Le Comité d'éthique estimait en effet que si les femmes étaient en mesure de "garder leurs ovules pour plus tard", elles pourraient être forcées de retarder leurs grossesses par souci de carrière. Le comité en voulait pour preuve la menace que constitueraient les politiques managériales de Facebook et Apple, qui remboursent l'autoconservation de leurs employées américaines depuis 2015.
Mais pour les partisans de la congélation, cet argument passe à côté du vrai problème. Et pour cause : la grande majorité des femmes désireuses de réserver leurs ovocytes ne le font pas par ambition, mais tout simplement parce qu'elles sont célibataires et ne savent pas si elles trouveront de père potentiel dans un futur proche. "J'ai pris cette décision parce que je n'ai pas d'amoureux, comme 99% des femmes qui font congeler leurs ovocytes. Les raisons de carrière, c'est un argument des anti !", estime Cécile. "C'est un choix hyper personnel. Dire ça revient un peu à prendre les femmes pour des imbéciles", avance de son côté Myriam Levain.
Autre argument toujours mis en avant par le Comité d'éthique malgré son avis favorable : les faibles chances de grossesse après congélation, et le risque de prendre cette opération pour une "assurance-bébé". Car pour l'instant, les femmes qui partent faire congeler leurs ovocytes ont majoritairement plus de 35 ans. De fait, elles ont moins d'ovocytes, et ceux-ci sont de moins bonne qualité. Là encore, c'est un argument bancal pour les défenseurs de l'autoconservation : à partir du moment où les femmes sont correctement informées, elles savent que c'est un plan B. Depuis 2008, 90% de celles qui ont eu recours aux services de la clinique IVI de Barcelone (spécialisée das la congélation) ne sont d'ailleurs pas venues récupérer leurs ovocytes. C'est du moins le chiffre qu'avance le Dr Cécile Gallo – qui y exerce en tant que spécialiste en médecine de la reproduction – interrogée par Myriam Levain.
Malgré ces arguments et l'avis favorable du CCNE, il reste néanmoins impossible de savoir si l'autoconservation sera bientôt légalisée. Si un projet de loi sur la bioéthique doit être présenté fin novembre 2018, plusieurs étapes intermédiaires sont inscrites au calendrier. Parmi elles : le vote du rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques (OPECST) le 18 octobre et la remise du rapport de la mission d’information parlementaire prévue pour la mi-novembre.