Une migraine en un éclair !
La foudre peut-elle déclencher des migraines ? Les soupçons des migraineux à l'endroit du mauvais temps sont, depuis plus d'une décennie, à l'origine de nombreuses et très sérieuses études scientifiques… aux résultats assez contradictoires. De nouveaux travaux, réalisés par équipe de Cincinnati, suggèrent l'existence d'une forte corrélation entre la foudre et l'apparition des céphalées.
Il est facile d'associer nos tracas à des causes célestes. Des études réalisées ces dernières décennies au Canada et en Allemagne révèlent qu'une écrasante majorité d'adultes considère que la météorologie a une influence directe sur leur état de santé. Très loin devant les rhumatismes, la dépression ou les troubles du sommeil, migraines et maux de tête possèdent la palme des symptômes allégués de "météo-sensibilité".
Mesure-t-on réellement des pics d'épisodes migraineux durant les orages ? Une demi-douzaine d'études réalisées depuis 2000 n'a pas permis de valider ou d'infirmer l'hypothèse. Car le mot d'orage dissimule une grande variété de phénomènes météorologiques d'intensité, de fréquence et d'importance variable : baisse de la pression atmosphérique, humidité, variation de température, de l'ensoleillement…
Plusieurs protocoles de recherches se sont alors focalisés sur l'une ou l'autre de ces composantes. Les apparitions d'éclairs dans le ciel apparurent n'avoir que peu ou pas d'influence sur les sensations migraineuses.
Un nouveau protocole d'étude
L'équipe de Geoffrey Martin, de l'université de Cincinnati, a cependant émis des doutes sur la méthode de recensement utilisée par ses prédécesseurs. En effet, il fut longtemps difficile de réaliser un décompte strict du nombre d'éclairs qui peuvent survenir, sur un large périmètre, en situation d'orage.
Afin de palier à ce biais, les scientifiques ont disséminé autour des villes de Saint Louis et de Cincinatti des dizaines de capteurs, capables de recenser 90 % des décharges électrostatiques avec une précision de l'ordre du demi kilomètre.
Une fois le dispositif en place, les chercheurs ont demandé à plusieurs groupes (pour un total de 90 individus) de consigner dans un carnet, sur une période de six mois, tout épisode de céphalées, en s'appuyant sur le standard de classification international de ces troubles.
Comparer les deux jeux de données restait une affaire de statisticiens. De nombreuses variables humaines (état de santé, existences d'opérations, de traitements médicamenteux, etc.) étaient en effet susceptibles d'influer les résultats.
Les résultats de ces travaux, publiés dans la dernière édition de la revue Cephalalgia, ont surpris par leur clarté : les taux de maux de tête et de migraines augmentent respectivement de 24 % et de 23 %, pour l'ensemble des participants à l'étude, durant les journées où des éclairs ont été enregistrés à moins de 40 km de leur lieu de résidence, par rapport aux journées "sans éclairs" (qu'il y ait eu ou non un orage !). Chez les personnes atteintes de céphalées chroniques, l'augmentation a été encore plus sensible : +31 % de maux de tête simple, et +28 % d'épisodes migraineux.
La survenue des migraines s'avère corrélée à l'intensité électrique des décharges. Un fait qui semble à lui seul, confirmer qu'un phénomène existe indépendamment de tout biais psychologique.
Quelles explications avancer ?
Si de tels résultats venaient à être reproduits, il faudrait encore identifier les mécanismes physiques par lesquels les différentes formes de céphalées sont initiées.
En conclusion de leurs travaux, l'équipe de Geoffrey Martin évoque plusieurs pistes d'explication. L'hypothèse d'une perturbation des fonctions cérébrales à la suite d'une impulsion magnétique est très rapidement citée. Cependant, trois autres propositions semblent mériter une plus grande attention. Toutes constatent comme point de départ la modification de la composition de l'air au moment d'une décharge électrostatique.
Des études antérieures ont en effet révélé un lien direct entre l'ionisation de l'air et la survenue de migraines. D'autres ont parallèlement établi un lien entre ionisation de l'air et prolifération d'allergènes susceptibles de favoriser l'apparition de maux de tête.
C'est cependant la troisième hypothèse mentionnée par les chercheurs qui semble avoir le plus soulevé l'enthousiasme de l'éditorialiste de Cephalalgia. La décharge qui constitue l'éclair s'accompagne d'une élévation locale de température extrêmement élevée et brutale, de l'ordre de 30.000°C (l'expansion brutale de la fine colonne d'air ainsi chauffée génère une onde sonore : c'est le tonnerre !). Or, ces températures sont suffisantes pour dégrader les composés azotés de l'atmosphère, qui se recombinent en oxyde d'azote de plus ou moins grande complexité. La littérature scientifique est riche d'études qui démontrent la capacité de telles molécules à déclencher des céphalées. Le monoxyde d'azote est d'ailleurs communément utilisé, dans le cadre d'études cliniques, pour déclencher artificiellement des maux de tête !
Source : Lightning and its association with the frequency of headache in migraineurs: An observational cohort study Geoffrey V Martin, Timothy Houle, Robert Nicholson, Albert Peterlin, Vincent T Martin, Cephalalgia, 24, 2013, doi: 10.1177/0333102412474502
En savoir plus
Sur Allodocteurs.fr :
Ailleurs sur le web :
- Cephalalgia
- "Lightning and its association with the frequency of headache in migraineurs: An observational cohort study", 24 janvier 2013