Anticancéreux : les associations de patients se mobilisent pour "des prix plus réalistes"
Les patients français n'ont pas accès à certains médicaments innovants contre le cancer car les négociations entre l'Etat et les laboratoires s'enlisent autour de la question de la fixation des prix.
Bien qu'approuvés par les autorités américaines et européennes, certains médicaments contre le cancer, comme le Keytruda, ne sont toujours pas disponibles en France. En cause : des négociations qui avancent lentement entre les laboratoires qui tirent les prix vers le haut et l'Etat qui veut limiter les dépenses de santé. En attendant, les patients français atteints d'un cancer ne peuvent pas bénéficier des dernières innovations thérapeutiques. Les explications de Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé.
- Selon des études, le Keytruda est plus efficace en terme de survie que les traitements actuels pour certains types de cancer du poumon. En décembre 2016, il a été approuvé par les autorités de santé européennes. Mais il ne peut toujours pas être prescrit par les cancérologues car son prix n'a pas été fixé. Comment expliquer cette situation ?
J-P Thierry : "L’efficacité du Keytruda a été évaluée positivement par la Haute Autorité de Santé en mai 2017. C’est une procédure que l’industriel déclenche lui-même. Ensuite, on rentre dans une procédure de négociation sur le prix avec le comité économique des produits de santé. Ça dure longtemps parce que la négociation du prix est un élément majeur avec ce nouveau type de médicament en immunothérapie. La bonne nouvelle, c’est que le Keytruda semble être un nouveau médicament beaucoup plus efficace que ce qu’on avait avant. Le problème, c’est son impact budgétaire sur l’ensemble des dépenses de santé en France. Il faut rappeler que Keytruda est déjà pris en charge pour des mélanomes pour près de 2.000 patients par an. Le Keytruda pourrait être prescrit pour certains cancers du poumon métastatiques, soit environ 6.000 patients en plus. La dépense totale va passer de 200 à 800 millions par an pour 6.000 patients supplémentaires. Cela crée une certaine tension et donc la négociation sur le prix devient difficile."
- Le débat tourne-t-il uniquement autour du prix ou parle-t-on aussi d'une balance coût/efficacité comme en Grande-Bretagne ?
J-P Thierry : "En France, il y a une saisine d’un comité économique, ce qui fait que la France ressemble un peu à la Grande-Bretagne pour avoir commencé à utiliser des données économiques dans la fixation du prix. Ça intervient dans les négociations du comité économique des produits de santé. Les associations de patients aimeraient être mieux impliquées parce que la procédure est ressentie comme étant plus opaque que dans d’autres pays."
- Au-delà de la question de perte de chances, les patients les plus riches risquent-ils de se rendre à l'étranger pour se faire soigner ?
J-P Thierry : "Les associations de patients ont deux impératifs : assurer l’accès aux médicaments innovants, surtout quand ils sont efficaces, et garantir l’équité d’accès. Certains patients pourraient effectivement partir à l’étranger. Mais dans les pays où on contrôle mal le prix des médicaments, comme aux Etats-Unis, on a un système de santé à deux vitesses. 2% des patients américains déposent le bilan familial et 45% sont en difficulté financière. Au niveau européen, dans notre système de santé, les associations de patients se mobilisent pour que les prix deviennent plus réalistes."