Des steaks enrichis à la vitamine E pour éviter le cancer colorectal ?
Une alimentation riche en viande rouge et en charcuterie est un facteur de risque identifié du cancer colorectal. Des chercheurs toulousains viennent non seulement de comprendre le mécanisme par lequel ces produits carnés endommagent le tube digestif, mais ils auraient également découvert une solution pour limiter leurs effets délétères.
Selon des chercheurs de l'Institut national de recherche agronomique (INRA - Laboratoire Toxalim de Toulouse), au moins 15% des cancers colorectaux sont directement liés à un abus de viande rouge et de charcuterie. C'est pourquoi les autorités sanitaires recommandent de limiter leur consommation à 500 grammes par semaine. Un seuil qu'un quart des Français dépasserait d'après les chiffres de l'Inserm…
Viande rouge et charcuterie provoquent des mutations des cellules colorectales
Les scientifiques toulousains ont cherché à comprendre par quels mécanismes ces aliments affectent les cellules du côlon et du rectum. Pour cela ils ont soumis à des rats une alimentation enrichie en viande rouge. Ils ont alors découvert le rôle central d'une petite molécule, le fer héminique, dans l'apparition des cellules cancéreuses. Il s'agit de l'un des composés de l'hémoglobine sanguine, qui donne sa couleur rouge à la viande.
Lors de la digestion, le fer héminique réagit avec les lipides présents dans le tube digestif pour former des molécules particulières, les aldéhydes. Ces derniers sont particulièrement toxiques pour les cellules humaines : ils induisent des mutations au niveau de l'ADN, qui aboutissent à la mort des cellules du côlon et du rectum.
Seul un type de cellules échappe à la règle : les cellules pré-cancéreuses. "Elles résistent très bien à cette agression", explique Fabrice Pierre, l'un des auteurs de l'étude sur le site de l'INRA. "De cette façon, une consommation excessive de viandes rouges et charcuteries, non seulement abîme le tissu du côlon et du rectum, mais en plus, sélectionne les cellules précancéreuses". Le risque est alors que les cellules du système immunitaire, chargées d'éliminer les cellules pré-cancéreuses qui se forment en permanence dans notre corps, soient débordées. Elles n'arrivent pas à détruire toutes les cellules pré-cancéreuses, qui à la longue, peuvent entraîner des lésions cancéreuses.
Une protection assurée par la vitamine E
Mais, si les scientifiques ont compris comment la viande rouge favorise les cancers colorectaux, ils ont aussi trouvé le moyen de limiter cet effet indésirable. Ainsi, ils ont soumis trois jours durant à deux groupes d'animaux et de volontaires sains une alimentation riche en viande rouge et charcuterie. Sauf que dans chaque doublon, les chercheurs ont rajouté du "tocophérol", plus connu sous le nom de vitamine E, dans les aliments de l'un des deux groupes. Cette dernière est un anti-oxydant puissant, que l'on retrouve dans les huiles végétales, comme l'huile de tournesol ou de germe de blé.
Et les résultats sont sans équivoques : "l’ajout de vitamine E directement dans la viande diminue notablement la réaction d’oxydation qui transforme les lipides de la viande en aldéhydes", expliquent les chercheurs sur le site de l'INRA. "Les effets délétères de la viande rouge et des charcuteries sur les cellules du côlon en sont notablement réduits".
D'après les chercheurs, enrichir viande rouge et charcuterie en vitamine E, via des ajouts dans le régime alimentaire des animaux, pourrait donc réduire leur impact sur la survenue des cancers colorectaux. "L'idée est d'autant plus intéressante que l'ajout de vitamine E ne modifie en rien l'aspect et le goût de ces mets", souligne l'INRA.
La prévention passe par une bonne hygiène de vie et un dépistage régulier
D'ici là, il faut garder à l'esprit que d'autres moyens, plus naturels, existent pour limiter le risque de cancer colorectal. Tout d'abord il est préférable de réduire sa consommation de viande à 500 grammes maximum par semaine. D'après l'Inserm, le sport pourrait également réduire de 18 à 29% (selon le type d'exercice et son intensité) le risque de cancer colorectal, d'autant plus si l'alimentation est riche en fruits et légumes, la consommation d'alcool limitée et celle du tabac bannie.
En 2013, le cancer colorectal était la deuxième cause de mortalité par cancer en France, d'où l'importance d'effectuer régulièrement un test de dépistage dès 50 ans. Selon l'Institut national du cancer, lorsqu'il est détecté à temps, le cancer colorectal se guérit dans neuf cas sur dix !