Gaz hilarant : l’Anses alerte sur les dangers neurologiques
L’usage détourné du protoxyde d’azote en "gaz hilarant" inquiète l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qui relève des risques d’atteintes neurologiques persistantes. Elle préconise de réglementer son accès et son étiquetage.
Maux de tête, vertiges, mais aussi problèmes neurologiques persistants dans les cas les plus graves. Dans un rapport publié ce 9 juillet, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alerte sur les dangers liés à l’inhalation du protoxyde d'azote, le gaz des siphons de cuisine utilisé comme une drogue euphorisante.
Vidé dans un ballon de baudruche puis inhalé, le protoxyde d'azote, surnommé "gaz hilarant" ou "proto", a des effets euphorisants rapides. Mais l’usage détourné de ce gaz propulseur comporte des dangers. "Ce qu'on est en train d'observer est assez inquiétant" explique à l'AFP la toxicologue Cécilia Solal, coordinatrice du rapport. "C'est une défonce facile, pas chère, ça dure 30 secondes et les jeunes n'ont pas l'impression qu'à terme il pourrait y avoir des atteintes neurologiques persistantes", note Cécilia Solal.
A lire aussi : Comment mieux encadrer la vente du gaz hilarant ?
Tremblements, contractions, convulsions…
Le rapport que publie l'Anses s’appuie sur les données des Centres antipoison français. Il révèle qu’entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, 66 intoxications au protoxyde d'azote ont été enregistrées. Il s'agissait en majorité de jeunes hommes et plus de la moitié avait entre 20 et 25 ans.
Sur les 66 cas, 42 présentaient "au moins un symptôme neurologique ou neuromusculaire" tel que des tremblements, des fourmillements ou des contractions involontaires. Cinq personnes ont eu "des symptômes de gravité forte", dont des convulsions. L'une "a présenté un arrêt cardio-respiratoire avec découverte d'une pathologie cardiaque lors de son hospitalisation".
Problème préoccupant : ces symptômes neurologiques peuvent persister même quand ces personnes ont arrêté de prendre du protoxyde d'azote. "C'est un effet très inquiétant qu'on n'avait pas vu jusqu'alors, et c'est un problème de santé publique : on n'a pas assez de recul pour savoir si ces atteintes vont disparaître", insiste Cécilia Solal.
"Plusieurs centaines de cartouches par jour"
Les cas les plus graves pourraient être liés à une grosse consommation sur une période de quelques mois, ce qui bat en brèche l'idée d'une utilisation uniquement festive, en soirée : "On a eu des cas de personnes qui consommaient plusieurs centaines de cartouches par jour, toutes seules chez elles" révèle la toxicologue.
Au-delà des cas les plus sévères, le "proto" peut provoquer "des symptômes plus généraux", comme des étourdissements.
Ce gaz lui-même n'est pas nouveau - il est employé en médecine pour ses propriétés antidouleur -, pas plus que son utilisation comme drogue. Mais cet usage détourné s'est "énormément développé" ces dernières années, pour aboutir "à une consommation de masse grand public", selon Cécilia Solal. Cette consommation "coïncide avec la mise sur le marché de ces petites cartouches pour siphon à chantilly qui reflètent la mode de faire la cuisine comme les chefs" ajoute-t-elle. Une facilité d’accès à laquelle s’ajoute une mode sur les réseaux sociaux. "On a cette image très rassurante d'un gaz qui fait rire, (...) on gonfle un ballon, ça a un côté bon enfant", déplore Cécilia Solal.
Interdire la vente aux mineurs ?
Toutes ces raisons poussent l'Anses à souligner "le besoin de réglementer l'accès et l'étiquetage du protoxyde d'azote pour son usage alimentaire", alors que le médical est déjà strictement encadré. "On a affaire à un produit en vente libre, qu'on peut acheter en supermarché ou sur internet, donc les personnes n'ont pas l'impression d'avoir acheté une « drogue » interdite", relève la toxicologue.
En décembre, après une alerte du ministère de la Santé et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues (Mildeca), le Sénat a adopté une proposition de loi pour interdire la vente du "proto" aux mineurs. Elle doit être débattue à l'Assemblée nationale.
Certaines mairies ont pris les devants avec des arrêtés municipaux interdisant la vente de cartouches de protoxyde d'azote aux mineurs. Et en janvier, le Danemark est devenu le premier pays de l'Union européenne à mettre en place cette interdiction.