Le chromosome Y de l'homme de Néandertal séquencé
Le premier séquençage détaillé des gènes du chromosome Y de l'homme de Néandertal a été publié ce 7 avril, complétant des travaux antérieurs sur les autres parties de son génome. Certaines spécificités génétiques pourraient expliquer pourquoi les deux espèces sont restées séparées.
Depuis 2010, les scientifiques savent que les populations d'origine eurasienne ont de 2,5 à 4% de gènes hérités des Néandertaliens, du fait de croisements entre les deux espèces il y a environ 50.000 ans, peu après que l'Homo sapiens fût arrivé d'Afrique en Eurasie (voir encadré). Homo sapiens et Homo neanderthalensis ont ainsi coexisté jusqu'à l'extinction de ces derniers il y a 30.000 ans environ.
Le chromosome Y était le dernier grand composant du génome du Néandertal qui restait à analyser, précisent les chercheurs dont les travaux ont été publiés le 7 avril dans la revue scientifique American Journal of Human Genetics.
Toutes les précédentes études avaient porté sur le séquençage d'ADN provenant de fossiles de Néandertaliennes (dont les séquençages complets de cinq individus distincts) ou sur de l'ADN mitochondrial (ADN transmis aux enfants des deux sexes par la mère exclusivement). Le chromosome Y n'est porté que par les mâles.
"La caractérisation du chromosome Y du Néandertalien nous aide à mieux comprendre les divergences entre les populations qui ont [respectivement] abouti à l'homme de Néandertal et à l'humain moderne", estime Fernando Mendez, un chercheur de l'Université de Stanford en Californie, l'un des principaux auteurs.
Un chromosome Y très particulier
L'analyse publiée dans American Journal of Human Genetics suggère que l'ancêtre commun des deux espèces a vécu il y a de cela entre 447.000 et 806.000 ans [1], ce qui corrobore les estimations précédentes. Mais ce séquençage apporte surtout de nouvelles informations sur les relations entre Homo sapiens et Homo neanderthalensis, et renseigne sur certains facteurs génétiques qui pourraient séparer les deux espèces.
Les auteurs de l'étude indiquent que les variants génétiques présents sur le chromosome Y de Homo neanderthalensis n'ont jamais été observés chez l'homme moderne. Aucune lignée patrilinéaire (transmission par les pères exclusivement) ne semble donc rattachée notre espèce à celle de Néandertal.
Des mutations génétiques ont en outre été observées sur trois gènes[2], qui évoquent un type de mutation délétère chez les humains mâles. "Il est tentant de spéculer que certaines de ces mutations pourraient avoir conduit à ces incompatibilités génétiques entre les humains modernes et les néandertaliens, et à la disparition subséquente du chromosome Y néandertalien chez les populations humaines modernes", détaillent les généticiens, qui estiment toutefois que d'autres études sont nécessaires pour confirmer cette découverte.
[1] Il y a 95% de chances que la valeur exacte se situe dans cet intervalle.
[2] Selon les chercheurs, des antigènes dérivés de la transcription de l'un de ces trois gènes pourraient être responsables d'une réponse immunitaire chez des femmes enceintes attaquant leur fœtus, ce qui entraîne des fausses couches.
Les Néandertaliens avaient vécu en Europe et dans l'ouest de l'Asie pendant 200.000 ans avant l'arrivée des humains modernes. Ils étaient probablement bien adaptés au climat, à l'alimentation et aux pathogènes et en s'accouplant avec les humains modernes ces derniers ont hérité de ces différentes adaptations.