Une mutation génétique permettrait aux Amish de vivre plus longtemps
Les membres de la communauté amish qui présentent cette mutation génétique très rare vivraient en moyenne dix ans de plus que le reste de la population.
"C'est la première mutation génétique humaine qui se révèle avoir un impact multiple sur les changements biologiques résultant du vieillissement", révèle à l’AFP le Pr Douglas Vaughan, co-auteur d’une étude sur 177 Amish dont les dates de naissance et de mort étaient connues des chercheurs. L’étude en question, publiée le 15 novembre dans la revue américaine Science Advances, montre que parmi ces personnes, les 43 qui présentaient une mutation du gène Serpine1 avaient vécu en moyenne 10 ans de plus qui ceux qui ne portaient pas cette mutation.
Un profil métabolique plus sain
Le gène Serpine1 entraîne une réduction importante de la production de la protéine PAI-1. Cette protéine est celle qui provoque la sénescence (la dégradation des fonctions de l'organisme). Les sujets dont le gène Serpine1 avait muté présentaient un profil métabolique plus sain, moins de diabètes et moins de maladies cardiovasculaires. Autre particularité de ces personnes : la longueur des télomères de leurs cellules immunitaires, en moyenne 10 % plus longs. Un télomère est une partie d’ADN que l’on trouve à l'extrémité du chromosome et qui assure sa protection. Lors d’une division cellulaire, le télomère se rétrécit, ce qui provoque le vieillissement. "Nous avons confirmé avec cette étude […] que la longueur des télomères est liée à l'âge chronologique et est en grande partie héréditaire", explique l’étude.
"[Ce groupe d'Amish] offre une occasion unique d'étudier les effets biologiques de cette mutation génétique et de la réduction de la protéine PAI-1 sur la longévité des humains", poursuit le rapport. Pour les chercheurs, ces résultats démontrent aussi qu’il est utile d’analyser les mutations génétiques qu’on peut observer chez certaines populations isolées géographiquement et génétiquement – comme les Amish.
Un taux de PAI-1 plus élevé chez les obèses et les diabétiques
Une étude faite sur des souris avait déjà démontré l’importance du rôle de la PAI-1 dans la sénescence. Chez les souris qui avaient été modifiées génétiquement pour qu’elles vieillissent plus rapidement, les chercheurs ont constaté une hausse du taux de PAI-1 dans le sang et les tissus. En outre, des observations chez les humains ont révélé que le taux de cette protéine était plus élevé chez les obèses et chez les diabétiques. Cela met en lumière le rôle essentiel du métabolisme dans la biologie du vieillissement.
Ces observations montrent donc que la lutte contre la sénescence doit privilégier la réduction des calories absorbées par l’organisme, ce afin de ralentir le métabolisme. Une telle réduction est possible via un traitement par des molécules aux effets similaires à ceux de la PAI-1, comme la Metformine (un antidiabétique) et le Resvératrol (un anti-oxydant présent en abondance dans le raisin). En effet, ces traitements réduisent la présence de la protéine PAI-1.
Un réel espoir pour la lutte contre les maladies liées au vieillissement
Pour l’heure, un essai clinique sur des souris pour tester l’efficacité de la molécule expérimentale TM5614, censée neutraliser la PAI-1, a eu lieu au Japon. L’essai a révélé que les animaux traités avec cette protéine n’avaient souffert d’aucune pathologie liée à l’âge, et que leur durée de vie avait quadruplé. "Nous pensons que ce médicament peut avoir un double effet en agissant sur les processus moléculaires du vieillissement, mais aussi sur les maladies qui y sont liées", affirme le Pr Vaughan. Cette molécule constitue donc un réel espoir pour la lutte contre les maladies humaines liées à la sénescence. "Nous pouvons ainsi prolonger la vie en bonne santé... et aussi l'espérance de vie", conclut Douglas Vaughan.
Les Amish sont les membres d’une secte religieuse dont les croyances sont dérivées du protestantisme. Ils sont essentiellement présents en Amérique du Nord. Ils se tiennent volontairement à l’écart de toute modernité – leur mode de vie a très peu évolué depuis le XVIIe siècle – et vivent en quasi-autarcie. Du fait de leur endogamie, leur communauté est très fermée génétiquement.