Le Covid-19, responsable d’un syndrome inflammatoire chez les enfants ?
Une augmentation du nombre de cas d’une maladie inflammatoire, le syndrome de Kawasaki, chez les enfants interpelle les médecins. Ils redoutent un lien entre ces cas et une infection au coronavirus.
Le nouveau coronavirus provoque-t-il chez un petit nombre d'enfants et d'adolescents des symptômes inflammatoires graves ? C'est la question qui préoccupe plusieurs pays en pleine épidémie de Covid-19, après l'apparition récente de cas inhabituels de syndrome de Kawasaki, une maladie inflammatoire rare.
En Europe, "l'ensemble des pédiatres, des réanimateurs travaillent ensemble pour voir s'il y a lieu ou non de faire un lien avec le Covid-19, ce que je ne sais pas encore au moment où je vous parle", a déclaré le ministre français de la Santé, Olivier Véran, le 29 avril à l'Assemblée nationale.
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Une vingtaine d’enfants à Paris
L'alerte est partie ce week-end du Royaume-Uni, avec un signalement du service public de santé, NHS England. Dans la foulée, un petit nombre de cas similaires a été mentionné aux Etats-Unis, en Espagne, en Belgique et en France. A l’hôpital Necker à Paris, par exemple, six cas ont été enregistrés. Et sur l'ensemble des hôpitaux parisiens, cela représente "à peu près une vingtaine d'enfants", indique à l'AFP le professeur Damien Bonnet, chef de service de cardiologie pédiatrique à l'hôpital Necker enfants malades.
"Selon mes collègues français, il y en a d'autres ailleurs", ajoute-t-il, en soulignant toutefois que leur nombre dans l'absolu "reste limité". "Cela reste des manifestations rares" confirme la docteure Véronique Hentgen, pédiatre infectiologue spécialiste des maladies rares de l’enfant invitée du Magazine de la Santé le 29 avril. "Les cas ne remplissent pas nos services de pédiatrie mais, dans ces services, on a des patients avec des formes particulières de Kawasaki que nous n’avions pas l’habitude de voir" explique-t-elle.
Le premier cas a été admis à l’hôpital Necker "il y a trois semaines" et "ça s'est accéléré depuis environ huit jours", précise le professeur Bonnet. Selon lui, ces jeunes patients ont entre deux et 18 ans.
Une inflammation des vaisseaux sanguins et du cœur
Comment cela se manifeste-t-il ? "Ces enfants viennent avec des symptômes digestifs, respiratoires ou infectieux" accompagnés "d'une atteinte cardiaque", répond le Pr Bonnet. Des symptômes atypiques qui évoquent ceux du syndrome de Kawasaki, une maladie qui entraîne une inflammation des vaisseaux sanguins, des éruptions cutanées, l’apparition de ganglions, de la fièvre mal supportée, des diarrhées, une conjonctivite et des problèmes cardiaques, voire une inflammation du cœur.
La plupart des enfants hospitalisés aujourd’hui "ont besoin d'être aidés avec des médicaments pour soutenir le fonctionnement du cœur" ajoute-t-il. "Les enfants évoluent quasiment tous de façon favorable, même s'ils sont dans une situation réanimatoire initialement", insiste le Pr Bonnet.
Des cas atypiques
Aujourd’hui, la particularité de ces cas est un excès de formes d’inflammations cardiaques, ou myocardites. "Ce syndrome pourrait être atypique par rapport au syndrome qu’on a l’habitude de voir" interprète la docteure Hentgen.
Autre particularité : l'âge des patients. La maladie de Kawasaki touche principalement "les moins de deux ans", même s'il existe des cas jusqu’à "quatre ou cinq ans" observe le professeur Bonnet. "Là, on voit tous les âges".
Les symptômes inflammatoires déjà sous haute surveillance
La question qui se pose est donc de savoir s’il s’agit d’une nouvelle maladie ou d’une manifestation inflammatoire liée au Covid-19. "Depuis le début de l’épidémie, les pédiatres sont attentifs aux manifestations inflammatoires car ce qui peut poser problème dans cette infection est « l’orage cytokinique » qu’il provoque : il rend le système immunitaire « fou »" décrit la docteure Hentgen.
"On a l’impression qu’il y a un peu plus de symptômes inflammatoires qu’en temps normal et il faut absolument voir si ce petit plus est lié au Covid ou à autre chose" insiste-t-elle.
Des tests pour vérifier la thèse du Covid-19
Dans tous les pays où ces cas ont été rapportés, certains jeunes patients ont été testés positifs au Covid-19 et d'autres négatifs par test PCR. Des résultats dont on ne peut donc malheureusement pas tirer de conclusion claire.
Car ces manifestations inflammatoires pourraient être des réactions tardives à l’infection. Dans ce cas, "les tests PCR négatifs ne sont pas étonnants car le virus n’est plus là" au moment de la réaction inflammatoire, justifie la docteure Hentgen. "Il faut donc voir si des tests sérologiques peuvent prouver qu’il y a eu une infection au Covid" poursuit la pédiatre infectiologue.
Si les tests PCR et sérologiques sont négatifs, il peut s’agir d’une autre maladie inflammatoire. Mais vu le contexte actuel, "on penche plutôt pour une conséquence du Covid-19", reconnaît la pédiatre.
Autre argument qui va dans ce sens : même si les causes de la maladie de Kawasaki sont inconnues, les médecins suspectent depuis longtemps qu'elle puisse être "une réaction inflammatoire disproportionnée à une infection virale banale", selon le professeur Bonnet. Il se pourrait alors que le nouveau coronavirus entraîne la même réponse inflammatoire que celle entraînée par d'autres virus dans la maladie de Kawasaki.
Un risque supplémentaire à la réouverture des écoles ?
Mais si cette maladie est bien liée au Covid-19, faut-il s’inquiéter de la réouverture progressive des écoles annoncée à partir du 11 mai ? "Ce n’est pas parce que nous avons eu quelques cas graves que les enfants sont devenus plus contagieux" tempère tout d’abord Véronique Hentgen, qui encourage la réouverture des écoles.
"On sait aujourd’hui que les enfants ne sont pas longtemps porteurs du virus et sont très probablement moins contagieux que les adultes" rappelle-t-elle. Il y a donc selon cette spécialiste moins de risque à "laisser les enfants en classe entre eux" qu’avec un adulte, qui "peut porter le virus pendant longtemps". Pour protéger ses enfants, "il faut plutôt éviter de faire rentrer le virus dans la maison", car il est très difficile de respecter des mesures de distanciation sociale avec des jeunes enfants, conseille enfin la docteure Hentgen.