Mon enfant est trop gros : comment réagir ?
Quand on est parent d'un enfant en surpoids, on ne sait jamais ce qu'il faut dire ou ne pas dire, de peur de le stigmatiser, on ne sait pas s'il faut priver toute la famille ou pas… Comment peut-on alerter un enfant que l'on voit grossir ? Un enfant peut-il comprendre un discours de prévention ? Comment agir sur ses comportements alimentaires ? Les explications avec Laurence Haurat, psychologue diététicienne.
Avant d'alerter l'enfant, il faut le laisser s'exprimer… Est-ce que cet enfant est malheureux dans son corps ? Refuse-t-il d'aller au sport, à la piscine ? Est-ce qu'il voit arriver l'été en paniquant à l'idée de mettre un maillot ? Il ne faut pas créer un problème lorsque l'enfant n'en a pas parce que quelles que soient les bonnes intentions des parents, on ne pourra pas l'aider contre son gré.
En consultation, des jeunes filles sont amenées par leur mère et elles n'ouvrent pas la bouche de la consultation car elles se sentent complètement piégées. Donc, si l'enfant exprime une souffrance, on peut lui proposer de l'aider, d'aller rencontrer un professionnel, un médecin, un diététicien ou psychologue, ou d'être pris en charge par le réseau REPOP, qui est pluridisciplinaire. On peut aussi rassurer l'enfant sur le fait que la porte est ouverte, qu'on est présent pour l'aider et qu'on trouvera quelqu'un de bien, s'il en fait la demande. On lui rend à la fois sa liberté et sa responsabilité sur son corps.
L'enfant, acteur de son comportement alimentaire ?
Mais un enfant de moins de 12 ans n'a pas vraiment de liberté. C'est le parent qui fait les courses, qui l'incite à manger plus ou moins, à finir son assiette coûte que coûte parce qu'il ne faut pas gâcher, tout en lui disant par ailleurs qu'il mange trop. Dans ce cas, si un parent s'inquiète par rapport au poids de son enfant, il faut d'abord le voir seul.
Alors l'enfant est-il le seul acteur de son comportement alimentaire ? Pas tout à fait. Il faut questionner le parent pour savoir comment il voit le problème et surtout, il faut que le parent "purge", loin des oreilles de l'enfant, sa désapprobation ou sa déception de ce que devient son enfant. Parfois, les parents emploient des mots très durs, très crus et ne se rendent pas compte de la manière dont cela peut impacter leur enfant.
Des années après, l'enfant devenu adulte, se souvient au mot près de ce père qui lui a dit, à la descente du train après un voyage en Angleterre : "tu es devenu une vraie baleine" ou après un trimestre passé aux Etats-Unis : "on va te mettre au régime"… Souvent, l'adulte n'a pas réglé complètement ses problèmes avec son propre corps, et voudrait à tout prix éviter à l'enfant d'être comme lui ou comme un grand-père, une grand-mère obèse. Pour éviter le risque, il veut anticiper, faire de la prévention.
Un enfant peut-il comprendre un discours de prévention ?
Un enfant ne peut pas comprendre un discours de prévention. L'enfant a beaucoup de mal à se projeter, en terme de santé, d'évolution corporelle. Lui expliquer aujourd'hui que dans 2, 5 ou 10 ans, il sera peut-être gros, cela est très difficile pour lui à comprendre.
Il est intéressant de se référer au carnet de santé et à la courbe de corpulence. Cela permet de voir si l'enfant reste dans son couloir, sa ligne, ou si, à un moment ou un autre de sa vie, il s'est passé quelque chose qui a marqué sa croissance ou transformé son rapport à l'alimentation. Cela permet de savoir si un enfant est génétiquement programmé pour être plus grand, plus gros que la normale. Dans ce cas, on peut se demander pourquoi on veut absolument qu'il devienne plus mince.
Il est d'ailleurs intéressant de voir que lorsqu'on parle de corpulence, on parle de "maigreur constitutionnelle", c'est-à-dire de personnes qui sont maigres parce qu'elles sont programmées comme cela. Mais on ne parle pas de surpoids constitutionnel. On peut laisser une personne plus maigre que la normale, mais on ne supporte pas une personne plus grosse que la normale.
Comment aider un enfant en surpoids ?
À partir de 8-9 ans, les enfants mettent en place des mécanismes de compensation avec l'alimentation, et notamment à des repas où les parents ne sont pas présents, comme le goûter. Ils s'ennuient, ils sont stressés par l'école, par leurs notes, ils ont des soucis avec des copains et en grandissant, ils ont du mal à trouver leur place, ils manquent de confiance en eux… Du coup, ils mangent. Dans ce cas, il faut en parler avec eux, ou de les amener voir quelqu'un pour qu'ils puissent comprendre pour quelles raisons ils mangent en cachette et qu'ils puissent évaluer ce que leur apporte la nourriture.
Il y a aussi le problème des fratries : un enfant gros, un autre de corpulence normale. Comment en restreindre un sans priver l'autre ? Ou comment faire plaisir à l'un sans tenter l'autre ? La question initiale est de savoir s'il faut mettre un enfant au régime, s'il faut l'empêcher de manger certains aliments. Faut-il considérer que donner une pomme et un yaourt à un enfant pour le goûter est un bon goûter ? Pourquoi accuse-t-on les régimes de ne pas fonctionner durablement chez plus de 95% des gens qui en font et comment peut-on espérer que des enfants ou des ados vont trouver plus de ressources que l'adulte pour se priver et se frustrer ?
L'enfant croit que pour maigrir, il faut se priver mais il est tiraillé par son envie de faire comme les autres, de manger tout ce dont il a envie. On va donc commencer par lui montrer que tous les aliments sont bons. Qu'il va falloir trouver une place pour ceux qui sont les plus riches, les plus gras. On va aussi lui apprendre à se connaître, à différencier la faim de l'envie de manger. Il faut lui montrer qu'il n'est ni son frère, ni sa soeur et qu'ils n'ont donc pas les mêmes besoins. Ou parce que la nature les a construit différemment, ou parce que tous les jours, les besoins sont un peu différents.
Il faut également lui dire de se méfier des idées reçues, souvent colportées par les copains/copines, ou même les parents. Il faut évangéliser aussi, parce que les parents sont toujours très contents de s'en remettre à une tierce personne, c'est souvent mieux. Mais ils peuvent être surpris lorsqu'on leur dit qu'il ne faut rien interdire, sous peine de voir leur enfant manger en cachette et en énorme quantité, ce à quoi il n'a plus droit.
Il s'agit donc de permettre à l'enfant de trouver son chemin. L'enfant aura le corps pour lequel il est prévu, et c'est aussi un bout du chemin, que d'accepter d'être ce qu'on est. C'est sans doute le meilleur moyen d'être (tous) serein.
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