Journée mondiale des maladies rares : le retard du dépistage en France
Alors que plusieurs pays européens dépistent jusqu'à quinze pathologies rares à la naissance, la France est en retard avec seulement cinq diagnostics réalisés à la maternité sur tous les nouveau-nés par le test de Guthrie.
"En France, des milliers d'enfants atteints de maladies rares perdent la possibilité d'une vie meilleure parce que notre pays dépiste très peu de maladies à la naissance", alerte l'Alliance Maladies Rares à l'occasion de la Journée mondiale consacrée à ces pathologies qui affectent moins d'une personne sur 2.000. Alors que quinze diagnostics sont réalisés en Autriche, Espagne, en Islande ou au Portugal, les nouveau-nés français n'en ont que cinq. Dès la maternité, de simples gouttes de sang sur papier buvard permettent de réaliser ce dépistage par le test de Guthrie.
Ce test concerne :
- la phénylcétonurie et l'hypothyroïdie congénitale : deux maladies qui empêchent le développement normal du cerveau
- l'hyperplasie congénitale des surrénales : un dérèglement hormonal provoquant de violents accidents de déshydratation
- la mucoviscidose : connue pour provoquer d'importantes difficultés respiratoires et digestives
- la drépanocytose : une maladie héréditaire du sang qui touche majoritairement les enfants d'outre-mer et d'Afrique noire.
Plus de cinq ans d'errance sans diagnostic
Elargir ce dépistage réduirait la terrible errance des familles confrontées à des symptômes inexpliqués par le corps médical pendant des années. Plus de cinq ans pour un quart des malades (Enquête Erradiag –Alliance maladies rares) confrontés à de longs parcours hospitaliers, avec parfois des troubles qui entraînent même des suspicions de maltraitances...
Même s'il n'existe pas toujours de traitement curatif en tant que tel, le diagnostic précoce peut permettre de mettre en place "une prise en charge médicale, sociale, éducative adaptée (du patient et de sa famille), et dans certains cas de traitements spécifiques", explique l'Alliance Maladies Rares. "Faute d'avoir été dépistés, des nourrissons atteints de maladies rares graves, ne peuvent être inclus dans des essais cliniques pourtant très prometteurs". Et pour les parents, cette connaissance est essentielle s'ils souhaitent accéder à un diagnostic prénatal ou préimplantatoire en cas de nouveau projet d'enfant. Sans oublier l'intégration d'associations de malades, pour s'entraider face à la la maladie et ses conséquences.
"Maladies rares : faut-il élargir le dépistage à la naissance ?", reportage diffusé le 28 février 2019
"Il faut des tests fiables"
Mais pour être envisagée depuis des années par les autorités sanitaires, l'extension du dépistage généralisée reste virtuelle. Elle exige notamment une refonte des circuits diagnostics actuels. "La réorganisation du dépistage a plusieurs enjeux", précise le Pr Régis Coutant, pédiatre et président de la Société française de dépistage néonatal. "Le premier : faire des économies en diminuant le nombre de laboratoires qui dépistent et grâce à ces économies, étendre le dépistage à d'autres maladies".
Ces dépistages seraient réalisés dans des laboratoires rattachés à des hôpitaux, et ils bénéficieraient d'un nouvel outil d'analyse : la spectrométrie de masse. Une technique qui peut identifier une trentaine de maladies rares.
Mais il faut définir soigneusement le futur groupe de pathologies identifiées dès la naissance. "Parce que dépister, ce n'est pas toujours une excellente chose. Il faut s'assurer d'abord qu'on connaît bien la maladie, que le test est fiable, qu'il est reproductible, qu'il est acceptable par la population. Un dépistage, ce n'est pas juste le test de dépistage, c'est aussi la prise en charge vers le diagnostic vers l'accompagnement des nourrissons et de leurs familles", précise Catherine Rumeau-Pichon, directrice adjointe de l'évaluation à la Haute Autorité de Santé, chargée de définir l'intérêt et les conditions d'un dépistage élargi.