Le confinement aurait déjà sauvé plus de 60.000 vies
Les mesures de confinement ont permis d’éviter un engorgement catastrophique des hôpitaux français et de sauver des dizaines de milliers de vies, selon des chercheurs de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique.
A-t-on évité le pire grâce au confinement ? Selon des épidémiologistes de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), un mois de confinement a suffi à épargner plus de 60.000 vies en France et à empêcher un engorgement aux conséquences probablement catastrophiques du système de santé par les malades du Covid-19. Ils publient leur étude le 22 avril 2020 sur le site de leur laboratoire Recherche en Pharmaco-Epidémiologie et Recours aux Soins (REPERES) rattaché à l’université de Rennes.
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15 millions de personnes infectées sans confinement
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont développé un modèle mathématique en s’appuyant sur les dynamiques de transmission du virus observées dans chaque région française avant le confinement. Leur objectif était alors d’estimer, au niveau régional et au niveau national, le nombre total d’hospitalisations, d’admissions en réanimation et de décès si le virus avait continué de circuler librement.
Résultat, selon ce modèle : si aucune mesure de contrôle de l’épidémie de coronavirus n’avait été prise, 23% de la population française, soit 14,8 millions de personnes, auraient été infectés par le virus.
Plus de 100.000 cas en réanimation
De même, le confinement aurait permis d’éviter 587.730 hospitalisations et 140.320 passages en réanimations. Pire, le nombre de lits de réanimation requis au même moment sur l’ensemble du territoire entre le 19 mars et le 19 avril aurait atteint les 104.550. Un chiffre "bien supérieur à la capacité maximale des services de réanimation français" qui était de 5.000 lits avant le début de l’épidémie.
Trois régions particulièrement touchées
Même constat en termes de mortalité : le confinement aurait permis d’éviter 61.739 décès à l’hôpital, soit une réduction de 83,5% du nombre total de décès prédits.
Certaines régions auraient été particulièrement affectées, comme l’Île-de-France qui aurait enregistré 20.463 morts dans ses hôpitaux, 10.736 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes et 10.361 dans le Grand-Est.
Malgré les disparités régionales, l’effet positif du confinement se ressent dans tous les territoires, avec des "réductions relatives" allant de 70 à 98% "pour les différents besoins hospitaliers et décès considérés" notent les épidémiologistes.
En résumé : "(cette) analyse montre qu’en l’absence de toute mesure de contrôle, l’épidémie de Covid-19 aurait eu un impact critique de morbidité et de mortalité en France, écrasant en quelques semaines les capacités hospitalières françaises" concluent les chercheurs.
Des chiffres probablement sous-estimés
Pourtant, ces chiffres déjà élevés sont probablement sous-évalués, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, parce que ces estimations ne prennent pas en compte les décès survenus à domicile ou dans les établissements de santé comme les Ehpad, et se concentrent uniquement sur le nombre de morts à l’hôpital.
Ensuite, le modèle ne tient pas compte non plus "de la surmortalité qui aurait résulté de l’encombrement des hôpitaux" reconnaissent les chercheurs. En effet, une saturation du système de santé aurait probablement entraîné "une importante surmortalité".
"Eviter une deuxième vague" grâce aux "mesures de contrôle"
Dans tous les cas, cette étude confirme l’importance du confinement, malgré "le désarroi massif des populations et des économies" qu’il provoque. "Nos résultats mettent en évidence le coût en vies humaines que pourrait entraîner le fait de laisser l'épidémie de Covid-19 suivre son cours, et la nécessité de diverses combinaisons de mesures de contrôle pour éviter une deuxième vague de l'épidémie après la sortie du confinement", surtout tant qu’aucun traitement ou vaccin efficace n’aura été mis au point, notent enfin les chercheurs dans leur publication.
Des études supplémentaires sont encore nécessaires pour prévoir le comportement de l'épidémie pour les semaines à venir. Il faudra notamment prendre en compte l’influence de l’âge, la contagiosité des personnes sans symptômes ou encore les variations saisonnières qui restent pour le moment des facteurs très mal connus.