Prothèses PIP : 4 ans de prison ferme requis contre Jean-Claude Mas
Le procureur de la République n'a pas requis la peine maximale contre Jean-Claude Mas, qu'il a pourtant surnommé "l'apprenti sorcier des prothèses". Il a réclamé également pour le fondateur de l'usine de prothèses mammaires une amende de 100 000 euros et une interdiction d'exercer dans le secteur médical ou de gérer une entreprise.
Au procès PIP, le procureur de la République a déçu les associations de victimes et leurs avocats, en ne requérant pas la peine maximum ce mardi, à Marseille. Quatre ans de prison ferme pour Jean-Claude Mas, 100 000 euros d'amende et l'interdiction définitive d'exercer dans le secteur médical ou de gérer une entreprise.
Le procureur de la République Jacques Dallest, s'est déclaré "consterné" par les cinq prévenus poursuivis devant le tribunal correctionnel pour tromperie aggravée et escroquerie. "Vous êtes l'apprenti sorcier des prothèses", a lancé le magistrat au septuagénaire.
"Quatre ans, ce n'est pas assez pour tout ce qu'il a fait, c'est une honte !", lâchait une victime au sortir de la salle, tandis que l'avocat de la principale association de porteuses de prothèses, Me Philippe Courtois, estimait que "le maximum des cinq ans ferme aurait été "normal" pour M. Mas".
"Quelle que soit la peine de prison, cela ne fait que quelques minutes par victime, donc c'est insignifiant pour nous", a dit Joëlle Manighetti, une des 7.400 victimes.
Six mois à deux ans de prison ferme
Pour les autres prévenus, le procureur Dallest a requis des peines de six mois à deux ans de prison ferme. Concernant les trois jugés pour complicité, le parquet s'est montré le plus sévère avec l'ancienne directrice de la qualité, Hannelore Font, "celle qui allumait la mèche lente qui allait exploser chez les porteuses". "Pourtant vous êtes la seule femme parmi les prévenus, vous auriez pu être sensibilisée", a souligné le procureur.
Il a également demandé au tribunal de rejeter la constitution de partie civile de l'Agence des produits de santé (ANSM, ex-Afssaps), qui avait découvert la fraude lors d'une inspection à l'usine de La Seyne-sur-Mer en mars 2010, et s'en est remis aux juges pour indemniser les victimes du scandale.
"Il faut que cette souffrance, leur cri, vous le validiez", a-t-il dit, évoquant un double préjudice : l'un matériel et l'autre d'anxiété. Les éventuels dommages corporels relèvent d'une instruction en cours pour blessures involontaires.
Un secret bien gardé depuis dix ans
Pour le vice-procureur Ludovic Leclerc, spécialisé dans les affaires de santé, l'un des enjeux du procès est de comprendre comment "une société comme la nôtre, si régulée, a pu laisser grandir ce type de fraude".
Comment le secret a-t-il tenu pendant dix ans ? La "lâcheté", certainement, "des menaces", sûrement, "une part de schizophrénie", peut-être, a avancé le magistrat, évoquant "l'image de ce chauffeur qui franchit un feu rouge en centre-ville et après, advienne que pourra pour ceux qui croiseront sa route".
Convaincu que la fraude "ne se serait jamais arrêtée si le contrôle de l'Afssaps n'avait pas eu lieu", il a fustigé "l'indécence" de certains prévenus, "qui avaient le pouvoir de dire non", quoi qu'ils en disent. Quant à M. Mas, "c'est d'abord un grand ego, c'est "je je je".
Dangerosité des implants
L'accusation a surtout insisté sur la dangerosité des implants PIP, qui justifie selon lui la qualification de tromperie "aggravée" reprochée aux prévenus. Ce que la défense conteste en faisant valoir des analyses, lues à l'audience, qui écartent la toxicité du gel de silicone maison utilisé pendant 10 ans.
Reste, pour le parquet, un taux de rupture et de transsudation supérieur à la normale, source de complications pouvant entraîner une explantation en elle-même porteuse de risques. À partir de 2008, des médecins en avaient alerté l'entreprise et l'un des prévenus avait soulevé le problème en interne en 2009.
"On a là un système de fraude massif au préjudice de milliers de femmes, une tromperie comme on en a rarement vu (...) Encore une fois, l'argent devant la santé des autres", a-t-il conclu.
7 445 victimes ont porté plainte
Selon un dernier décompte, 7 445 femmes, dont environ 2.500 étrangères, se sont constituées parties civiles. Le nombre de porteuses est estimé à 30.000 en France et à plusieurs centaines de milliers dans le monde.
Le procès se poursuit jusqu'à vendredi avec les plaidoiries de la défense, le dernier mot revenant à Me Haddad qui plaidera pour M. Mas la relaxe sur le caractère aggravé de la tromperie et l'escroquerie.
Le verdict n'est pas attendu avant plusieurs mois, à l'automne, le tribunal doit en effet répondre à chaque demande formulée, soit 7 445 demandes ...
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