Les savons antibactériens sont-ils plus efficaces ?

Des milliers de Français en sont devenus adeptes après l'épidémie de grippe A (H1N1). Depuis 2009, des tonnes de gel hydroalcoolique déferlent sur la France avec une promesse : éliminer 99,99% des bactéries. En réalité, les savons antibactériens en général, dont les gels hydroalcooliques, ne sont pas plus utiles que les savons classiques.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Les deux types de savons ont la même efficacité sur vingt souches de bactéries (Image d'illustration)
Les deux types de savons ont la même efficacité sur vingt souches de bactéries (Image d'illustration)

Les savons antibactériens, dont les gels hydroalcooliques font partie, ne seraient pas plus efficaces qu'un bon vieux savon de Marseille, selon une étude publiée dans The Journal of Antimicrobial Chemotherapy. Pour le démontrer, une équipe coréenne a examiné les effets du triclosan, l'antiseptique le plus courant dans les savons et gels antibactériens, sur les bactéries et ce de deux manières. Cet ingrédient chimique a été testé d'une part in vitro sur vingt souches de bactéries (E.Coli, salmonelles, staphylocoques dorés...) et d'autre part in vivo sur seize volontaires adultes. Ils ont ensuite comparé l'efficacité respective des savons ordinaires et antibactériens pour débarrasser leurs mains des microbes qui s'y trouvaient.

"Il n'y a aucune différence significative entre les effets bactéricides d'un savon ordinaire et ceux d'un savon antibactérien lorsqu'on les utilise dans les conditions de la vie réelle", selon l'étude. Le lavage des mains classique devait durer trente secondes, sous l'eau chaude. Le triclosan l'emporte nettement… au bout de neuf heures en laboratoire, mais pas après le court laps de temps consacré à un lavage des mains dans la vie quotidienne.

Le triclosan, un antibactérien sur la sellette

"Des millions de consommateurs aux Etats-Unis utilisent des savons antibactériens pour se laver les mains ou le corps, dépensant près d'un milliard de dollars par an", notent les chercheurs. "Ils en attendent une protection contre les agents infectieux pathogènes supérieure à celle conférée par les savons ordinaires".

Lors de l'expérience, le triclosan était très faiblement dosé, à 0,3%, conformément à la législation européenne. Car, depuis 2012, l'ingrédient présent également dans les dentifrices et les déodorants, est pointé du doigt par des dizaines d'études scientifiques. Il est très fortement soupçonné d'être un perturbateur endocrinien. D'autres travaux ont également montré qu'il pouvait perturber le fonctionnement du coeur et de la thyroïde. D'autre part, le triclosan favoriserait aussi les allergies et les résistances bactériennes…

Les controverses autour du triclosan ont poussé en 2013 l'Agence américaine du médicament à réévaluer les risques. Le processus de réexamen pourrait aboutir à des restrictions d'usage. En attendant les conclusions finales, mieux vaut donc suivre les conseils de l'Agence française du médicament. Elle préconise de "privilégier les procédures d'hygiène des mains par le lavage à l’eau et au savon dès lors qu’un point d’eau est disponible".

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Source : Bactericidal effects of triclosan in soap both in vitro and in vivo. S. Kim et al. J. Antimicrob. Chemother. (2015) doi: 10.1093/jac/dkv275

Avec AFP