Les antidépresseurs inefficaces contre la migraine et l'insomnie
La grande majorité des prescriptions d'antidépresseurs pour des pathologies autres que la dépression, comme la migraine ou l'insomnie, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, selon une étude britannique. Mais l'utilisation des antidépresseurs peut être justifiée dans certaines maladies chroniques, en raison notamment de leur effet anti-douleur.
En étudiant plus de 100.000 prescriptions d'antidépresseurs au Québec entre 2003 et 2015, des chercheurs anglais ont découvert qu'environ un tiers ne concernaient pas des situations prévues par les autorisations de mise sur le marché de ces médicaments, alors même que l'intérêt de ces prescriptions reste peu étayée par des preuves scientifiques. L'étude est publiée dans le British Medical Journal (BMJ) le 21 février.
La consommation d'antidépresseurs a fortement augmenté dans la plupart des pays occidentaux ces dernières années, avec par exemple une hausse de 6,8% au Royaume-Uni entre 2014 et 2015, soit plus que tout autre médicament. Aux Etats-Unis, leur consommation a été multipliée par cinq entre le début des années 1990 et le milieu des années 2000, lorsque 11% des adultes déclaraient en avoir pris au cours du mois écoulé, selon les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Peu de preuves de l'efficacité des antidépresseurs prescrits "hors indication"
Autorisés pour soigner les dépressions et les troubles anxieux, les antidépresseurs sont également largement prescrits "hors indication" contre les douleurs, la migraine et l'insomnie, notent les chercheurs. Selon l'étude, seulement 16% de ces prescriptions étaient soutenues par des "preuves scientifiques fortes", alors que peu ou pas de preuves n'existaient en ce qui concernent les autres utilisations.
Interviewée par l'AFP à propos des résultats de l'étude, Jenna Wong, de l'Université McGill à Montréal a reconnu qu'il s'agissait "probablement du sommet de l'iceberg". "Il y a beaucoup d'utilisation hors indication mais nous ne savons pas comment la détecter" a-t-elle dit. "Nos résultats mettent en évidence la nécessité urgente d'apporter plus de preuves sur les bénéfices-risques des antidépresseurs prescrits hors indication et de les mettre à la disposition des médecins prescripteurs", concluent les auteurs de l'étude.
La dépression associée à de nombreuses maladies chroniques
Interrogé par la rédaction d’Allodocteurs.fr, le Pr Patrick Clervoy, médecin psychiatre à Toulon et auteur de plusieurs ouvrages sur le traumatisme psychique, explique que "certaines classes d’antidépresseurs ont des vertus antalgiques, c’est pourquoi ils sont prescrits pour la fibromyalgie par exemple". De même, la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis ou encore l'eczéma peuvent nécessiter la prescription d'antidépresseurs.
"La dépression est une affection qui s’accompagne souvent de symptômes chroniques tels que la migraine ou des douleurs articulaires qui sont en fait des manifestations physiques de la tristesse. La manifestation psychique n’est pas là mais les douleurs physiques sont présentes avec un affaiblissement général de l’énergie vitale. Beaucoup d’antidépresseurs sont donc prescrits lorsque le médecin suppose que le patient souffre d’une dépression masquée", indique le spécialiste. En effet, "s'il y a une baisse du niveau d’énergie vitale, les défenses immunitaires s'affaiblissent". Ainsi, selon ce psychiatre, "la prescription des antidépresseurs est à appréhender au cas par cas et non dans la globalité".
Comme leur nom l'indique, les antidépresseurs sont prescrits en cas de dépression d'intensité modérée à sévère, en complément d'une thérapie, lorsque les symptômes de la dépression ont un retentissement sur la vie quotidienne et deviennent handicapants. Ils soulagent les symptômes tels que la tristesse, le manque d'activité motrice. Ils régulent le sommeil, l'appétit et le patient retrouve le sentiment de plaisir. Certains peuvent être prescrits dans le cadre de la boulimie ou de l'anxiété.