Quand le Prozac perturbe la libido des étourneaux
Des chercheurs ont découvert que les résidus d'antidépresseurs retrouvés dans la nature contaminent les oiseaux et bouleversent leur vie sexuelle.
C'est connu, la dépression altère la libido et malheureusement, la plupart de ses traitements aussi. Une étude anglaise publiée dans la revue Chemosphere vient d'en révéler un effet secondaire inattendu : cette dégradation de la vie sexuelle toucherait aussi les oiseaux vivant dans leur voisinage !
Comment ? Lorsqu'une personne prend un antidépresseur comme la fluoxetine, plus connue sous le nom de Prozac, 24% de la quantité présente dans le médicament passerait en fait dans nos urines... et donc dans les eaux usées. Cela entraîne la contamination de mouches, d'asticots et de vers... les aliments préférés des oiseaux.
Une équipe du département Environnement de l'université de York a donc conçu une étude pour mesurer l'impact de cette pollution chimique sur des étourneaux. Ils en ont rassemblés 32, 16 mâles et 16 femelles. Puis ils ont observé si leurs potentiel de séduction était modifié par le fait d'être exposé à la fluoxetine.
Les femelles "sous Prozac" sont délaissées
Et leurs conclusions sont inquiétantes : les femelles qui ont été exposées à l'antidépresseur sont délaissées. "Nous avons montré que les étourneaux mâles chantaient plus souvent et plus longtemps pour les femelles "contrôle" (sans fluoxétine)", explique Sophia Whitlock une des auteurs de l'étude. Or, "le chant est un élément crucial de la séduction pour ces oiseaux, poursuit-elle, il est utilisé par les mâles pour courtiser les femelles qui leur plaisent, et par les femelles pour sélectionner les meilleurs mâles qui deviendront les pères de leurs poussins".
Et en plus de réduire le sex-appeal des "étournelles", leur contamination chimique rend les mâles plus agressifs à leur égard. Les chercheurs n'arrivent pas encore à expliquer cette différence. Ils constatent certaines modifications de comportements des femelles "sous Prozac". Leur propre agressivité est réduite le deuxième jour d’expérimentation par exemple. Ils soupçonnent des changements imperceptibles à l'oeil humain et invitent donc la communauté scientifique à s'intéresser à cette question...
Des risques pour la survie de l'espèce
Mais pour l'équipe, une chose est sûre : il y a des risques pour la survie de l'espèce. "C'est la première preuve que des faibles concentrations d'antidépresseur peuvent perturber la cour d'oiseaux chanteurs", insiste le Dr Kathryn Arnold qui dirige l'équipe Ecologie et Conservation à l'université de York. "C'est important parce que souvent, les animaux qui mettent du temps à trouver un partenaire ne se reproduiront pas".
Il faudrait donc d'urgence améliorer le traitement des résidus de médicaments dans les eaux usées. Sinon, la dépression dont l'incidence mondiale a déjà augmenté de près de 20% de 2005 à 2015 selon l'OMS pourrait avoir une nouvelle conséquence : la disparition du chant des oiseaux. Une menace supplémentaire pour la survie des oiseaux de nos campagnes puisque de récents travaux du CNRS et du Museum d'histoire naturelle montrent que leur nombre a déjà réduit de 35% à cause des pratiques agricoles.