Test ADN : Airbnb développe des "voyages généalogiques"
Les personnes qui réalisent des tests ADN pour connaître leurs origines auprès de la société 23andMe se verront proposer des hébergements Airbnb dans les pays de leurs ancêtres. Cette méthode pose des questions de protection des données génétiques.
Un voyage sur les traces de vos ancêtres. C’est ce qu’un nouveau partenariat entre le service d’hébergement Airbnb et l’entreprise de tests ADN 23andMe propose à ses clients. Un communiqué du site Airbnb daté du 21 mai 2019 annonce en effet offrir la possibilité d’un "voyage patrimonial" en accord avec la généalogie de ses clients.
Combiner génétique et tourisme
Concrètement, les analyses de 23andMe comparent le profil ADN de ses clients avec les profils ADN des différentes populations humaines à l’échelle du globe. Les résultats se présentent ensuite sous la forme de pourcentages d’origines géographiques. Selon Airbnb, c’est l’envie de "mieux connaître ses origines" qui pousse la majorité de ses clients à réaliser un tel test. Une curiosité à laquelle le site souhaite apporter une dimension touristique : "Sur 23andMe, dès qu’un client reçoit ses rapports d’ascendance, il peut avoir accès à ses origines ancestrales et peut trouver des hébergements et des expériences Airbnb dans son pays d’origine" détaille ainsi le communiqué. "Par exemple, si un client de 23andMe possède des ancêtres dans le sud de l’Italie, il pourra trouver un trullo dans les Pouilles comme hébergement de base pour explorer son patrimoine" poursuit le service.
Des tests réalisés sous un droit étranger
En France, la vente libre de ces autotests est interdite par la loi de bioéthique. Mais plusieurs sites internet vous proposent, pour une centaine de dollars américains, de vous envoyer un kit d’autotest : vous réalisez alors un simple prélèvement de salive chez vous et renvoyez le tout pour une analyse outre-Atlantique.
Mais attention : en acceptant une telle opération, vous acceptez également les conditions légales américaines. Et cela n’est pas dénué de risque, comme nous l’expliquait en septembre 2018 Maître Brigitte Bogucki, avocate et invitée du Magazine de la Santé : "Lorsque l’on commande un test ADN à l’étranger, plus encore sur Internet, le plus souvent on ne lit pas les conditions générales du contrat que l’on passe avec la société à laquelle on commande le test, ou on ne les comprend pas car rédigés en langue étrangère. Or qui dit étranger dit droit étranger donc aucune des limites légales françaises. Et c’est là que le bât blesse, la plupart du temps ces contrats prévoient que la société en question pourra librement faire ce qu’elle veut de votre recherche d’ADN et même du prélèvement lui-même…"
Revente de données ADN
Premier problème, votre ADN n’informe pas que sur votre propre personne : "Un résultat ADN vous concerne mais donne aussi des renseignements sur les membres de votre famille, d’autant plus précis que le lien familial est proche" alors même que vos parents, frères et sœurs ou enfants n’ont pas autorisé la divulgation de telles informations, relève Me Bogucki. Dernier exemple marquant : en mai 2018, la police américaine révélait avoir résolu deux affaires criminelles grâce aux données ADN disponibles sur des sites de généalogie. Une méthode qui pose la question de "quel contrôle les personnes ont sur les informations qu’ils donnent aux bases de données publiques ou commerciales", s’alertait la revue scientifique Nature dans un éditorial du 2 mai 2018. "Les personnes qui choisissent de télécharger leur ADN pourraient sans le savoir aider la police à retrouver un membre de leur famille, maintenant et à l’avenir" concluait cette publication.
En outre, "la valeur d’un tel fichier est considérable et cela explique que les tests soient si peu chers" souligne l’avocate. En effet, les résultats des tests ADN contiennent également des informations sur la santé du client. C’est pourquoi "ce fichier pourra être vendu, aux compagnies d’assurances par exemple, qui au vu de l’ADN de votre frère exigera une prime supplémentaire de risque ou refusera de vous assurer, mais cela peut aller beaucoup plus loin" s’inquiète Me Bogucki, qui évoque des risques "d’eugénisme ou de dérives commerciales."