Pénurie de médicaments : "A l’annonce du cancer s’ajoute celle du manque de traitement"
La Ligue contre le cancer lance une campagne de mobilisation contre les pénuries de médicaments anti-cancéreux. Près de 1.500 traitements sont en rupture ou en tension, occasionnant des pertes de chance dramatiques pour les patients.
"Cher patient, pour votre médicament, merci de patienter." C'est le slogan que la Ligue contre le cancer a choisi pour sa campagne de mobilisation contre les pénuries de médicaments lancée le 14 septembre.
Principal objectif de cette action : donner la parole aux malades, qui sont les premières victimes des pénuries. "A l’annonce de leur cancer s’ajoute souvent l’annonce du manque de médicament pour les soigner" note Emmanuel Jammes, délégué Société et politique de santé de la Ligue à l’origine de cette campagne. "C’est alors la sidération, la peur, la colère et l’incompréhension vis-à-vis d’un système de santé qu’on pense performant en France" poursuit-il.
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22% des pénuries en cancérologie
La Ligue se bat de longue date contre ce fléau car ces signalements n'épargnent pas la cancérologie, concernée par 22% des signalements en 2017. Il s'agit essentiellement de médicaments génériques, très peu chers mais indispensables.
Et ces dernières années, le bilan ne s’améliore pas. Avec 1.499 médicaments signalés en difficulté ou rupture d'approvisionnement auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), "l'année 2019 atteint un record avec 34 fois plus de pénuries signalées qu'en 2008", note l’association.
95% des pharmaciens hospitaliers constatent une aggravation du phénomène, selon un sondage Ipsos* réalisé fin 2019 pour la Ligue. Et 74% des professionnels de santé interrogés déclarent avoir déjà été confrontés à des pénuries de médicaments contre le cancer pendant leur carrière.
Des pertes de chance parfois "dramatiques"
Par ailleurs, les trois quarts des soignants interrogés s'accordent à dire que malgré l'existence de médicaments de substitution, ces pénuries entraînent une perte de chance pour les malades. 45% des professionnels constatent une détérioration de la survie cinq ans après le diagnostic de la maladie chez les patients touchés par ces pénuries. Un chiffre qui s'élève à 68% parmi les oncologues qui font l'expérience de pénuries.
Un exemple "particulièrement dramatique" des possibles pertes de chance liées aux pénuries de médicaments concerne le cancer de la vessie. Les médicaments utilisés pour traiter ce cancer (BCG intravésical, Amétycine...) ont en effet subi des ruptures d'approvisionnement chroniques et des arrêts de commercialisation. "La seule alternative est alors l’ablation de la vessie, avec des conséquences énormes sur la vie du patient " déplore Emmanuel Jammes.
Vers des sanctions pour les labos ?
Que faire alors aujourd’hui pour endiguer ce phénomène ? La Ligue réclame principalement des sanctions financières contre les laboratoires qui n'assumeraient pas l'approvisionnement, le recensement des malades concernés ou encore des études mesurant leurs pertes de chances.
En 2020, la crise du covid-19 a mis en lumière aux yeux du grand public des pénuries de médicaments et le fait que le principe actifs de mulltiples médicaments étaient fabriqués à l’autre bout du monde. Alors, pour éviter de dépendre de l'Inde et de la Chine, la Ligue propose la création d'un établissement public qui fabriquerait les médicaments à prix coûtant, ou attribuer des avantages fiscaux à des entreprises pour leur éviter de travailler à perte.
Un appel à témoins en ligne
Dernier point à améliorer : l’information des personnes malades. Et pour mieux les informer, il faut mieux connaître les difficultés qu'elles rencontres. C'est pourquoi La Ligue contre le cancer ouvre un site internet de recueil de témoignages : penuries.ligue-cancer.net.
Des données précieuses que les analystes utiliseront pour mieux comprendre les conséquences des pénuries, repérer d’éventuelles disparités géographiques et mieux accompagner les patients mais aussi les soignants en cas de pénurie, nous explique enfin Emmanuel Jammes.
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*Sondage réalisé du 29 octobre au 4 décembre 2019 auprès d'un échantillon représentatif de 500 professionnels de santé (pharmaciens de ville et d'hôpital, cancérologues, généralistes...).