Ouragan Irma : des habitants traumatisés
Après le passage de l'ouragan Irma, les équipes médicales doivent aussi prendre en charge les blessures psychologiques.
Angoisses, cauchemars, sidération… À Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les habitants sont traumatisés par ce qu'ils ont vécu. Certains souffrent de chocs traumatiques. Les explications du Dr Florian Ferreri, psychiatre.
- Quel peut être l'impact psychologique de l'ouragan Irma sur les populations ?
Dr F. Ferreri : "On peut imaginer que les conséquences vont être très importantes. On est dans les critères du traumatisme avec une situation dans laquelle les personnes ont dû être effrayées, avoir un sentiment d’impuissance et se sont rapidement senties isolées. Elles ont vu des choses terribles autour d'elles. Donc là c'est une situation stressante. Le stress, c’est normal quand on doit faire face au danger, s’extraire d’une situation. Il y a un risque que cela développe ensuite un traumatisme, c’est-à-dire une mémoire traumatique, avec des flash-back de la scène ou l’impossibilité de sortir de chez soi et tout un tas de manifestations très invalidantes."
- Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a annoncé la mise en place de cellules d'aide médico-psychologique à Saint-Martin et en Guadeloupe pour les personnes évacuées. Comment se déroule la prise en charge psychologique dans ces cellules ?
Dr F. Ferreri : "L’idée de ces cellules, c’est de pouvoir apporter une aide immédiate, un peu collée au Samu et de pouvoir offrir un espace d’écoute. On ne force pas les gens à verbaliser ce qu’ils ont vécu mais au moins on est là. On identifie ceux qui sont en stress dépassé, par exemple ceux qui sont sidérés, ceux qui ne bougent plus ou, au contraire, ceux qui sont agités, agressifs. On les repère. On prend leurs coordonnées. Ceux qui veulent parler dès à présent, on leur explique. On essaye de remettre un peu d’ordre dans ce chaos, notamment de l’ordre chronologique. Même s’ils ont le sentiment de ne pas être aidés, on leur montre qu’il y a de l’aide qui est là ou qui arrive. On essaye de redonner un peu de cohérence à tout ça. Et pour les plus sévèrement touchés, on va proposer une prise en charge médicamenteuse."
- Comme les enfants vivent-ils ces événements ? Est-ce différent des adultes ?
Dr F. Ferreri : "Les enfants sont vraiment des populations très vulnérables. Leur sentiment d’impuissance, de vulnérabilité est décuplé, surtout quand ils ont vu leurs parents dépassés par les événements. On imagine aussi la perte de l’école, du toit de la maison, une chambre dévastée… Ça peut marquer les esprits mais pas simplement sous la forme d’un souvenir désagréable. Il peut s’agit d’un souvenir traumatique qui s’imposerait à l’enfant et qui l’empêcherait de vivre normalement."
- Dans les souvenirs traumatiques, il y a la vue, les pillages, le bruit… Certains habitants traumatisés risquent-ils de ne plus pouvoir vivre à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy ?
Dr F. Ferreri : "Oui. Tous ces éléments sont des indices de mémoire. Par exemple, quand il va y avoir du vent, une alerte météo, certaines personnes vont revivre l’événement à l’identique. Cela va être extrêmement douloureux pour elles. On peut imaginer que certaines personnes ne se sentent pas capables d’affronter ça de nouveau et souhaitent finalement déménager. D’un point de vue médical, on a l’adage « d’éviter d’éviter ». Mais, d’un point de vue pragmatique, quand les conditions de sécurité physiques et psychiques ne sont pas réunies, on comprend que certaines personnes le fassent soit pour un moment donné, soit définitivement."