Un député a passé six heures incognito aux urgences de Douai
"J’ai observé un manque criant de moyens humains et matériels" : le député PCF du Nord Alain Bruneel appelle la ministre de la santé à faire la même expérience.
"Une situation dramatique." C’est ce que le député PCF du Nord Alain Bruneel a constaté en passant six heures incognito dans le service des urgences de l’hôpital de Douai. Le vendredi 28 juin, à 21h30, le député âgé de 67 ans se présente aux urgences prétextant des maux de ventre. "J’étais seul, sans collaborateur ni caméra et je n’ai pas pris de photo par respect pour le personnel et les patients" raconte-t-il.
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Seulement deux infirmières régulatrices
"A mon arrivée, l’agent administratif me demande ma carte vitale, ma carte de mutuelle et les raisons de ma venue. Cette étape passée, les portes des urgences s’ouvrent et j’arrive alors dans une deuxième salle d’attente où se trouvaient deux infirmières régulatrices d’accueil" détaille Alain Bruneel. Le rôle de ces infirmières : orienter les patients dans les différentes salles selon la gravité de leurs symptômes.
Mais dans les faits, ce n’est pas aussi simple : "elles doivent prendre en charge les patients qui viennent par leurs propres moyens mais aussi ceux qui arrivent par ambulances, par le Smur et par les camions de pompiers En plus de cela, elles répondent au téléphone. Puis à 22h il n’y a plus d’agent administratif donc elles font l’accueil en plus. Tout cela à deux seulement !"
"Les brancards s’entassent en file indienne"
Dans la salle d’attente des urgences, l’état de santé du député est donc évalué : "L’une de deux infirmières me prend la température, vérifie mon cœur et ma tension et s’assure également que je n’ai pas de problème de diabète" explique-t-il. Le dossier est alors transmis au médecin urgentiste et le sexagénaire se retrouve conduit sur un brancard jusqu’à une zone d’attente appelée zone de "semi-lourds".
"A 21h30, les infirmières m’annonçaient 3h20 d’attente. Il est déjà 23h quand j’arrive en zone de 'semi-lourds' " nous confie-t-il. "Ici, les brancards s’entassent en file indienne. J’en compte sept à mon arrivée, puis 14 quand je suis finalement pris en charge."
Six heures d’attente
Dans cette zone, Alain Bruneel attend son tour. Le soir de son passage, seuls deux médecins urgentistes et un intérimaire sont présents pour prendre en charge tous les patients de toutes les zones des urgences. "J’ai attendu au total six heures, et encore, selon les infirmières, j’ai eu de la chance" commente-t-il.
"C’est long six heures d’attente, extrêmement long quand on souffre ! A 3h du matin, 50 nouvelles personnes étaient arrivées à l’accueil des urgences, sans compter le service des urgences pédiatriques." Pourtant, "le personnel fait tout ce qu’il peut, avec ce qu’il a", reconnaît Alain Bruneel. Médecins et infirmières sont "toujours en mouvement, n’arrêtent jamais" et "se retrouvent à bout de souffle" poursuit le député, dénonçant un "manque criant de moyens humais et matériels". Il ajoute : "Désormais, je mets des images claires sur la souffrance du personnel. Et quand le personnel souffre, les patients souffrent aussi."
Un été sous tension
Et le soir de la visite du député, "il fait une chaleur énorme" mais "le personnel ne peut donner ni à boire ni à manger aux patients car ils ne savent pas ce qu’ils ont" relate Alain Bruneel. Si la canicule est aujourd’hui terminée dans la plupart des régions fançaises, la crainte de nouveaux pics de chaleur plane sur les services d’urgence. A cela s’ajoute une période estivale marquée par un sous-effectif lié aux vacances du personnel. Un ensemble de facteurs qui fait redouter au député une "explosion" de la situation déjà très tendue.
"Véritable malaise de notre société"
D’autant que la grève des urgences "dure déjà depuis quatre mois". Et pour cause : au cours des 20 dernières années, "on compte 100.000 fermetures de lit alors que le nombre de passages aux urgences est passé de cinq millions par an au début des années 2000 à 21 millions aujourd’hui, sans augmentation d’effectif du personnel " déplore Alain Bruneel.
Ce mouvement de grève, qui "reflète un véritable malaise de notre société" ne faiblit pas car "les mesures proposées par la ministre sont insuffisantes et ne tiennent pas debout" selon Alain Bruneel qui a donc invité Agnès Buzyn à réaliser la même expérience que lui, incognito, sans caméra, pour se confronter à la réalité. "Car les lois ne s’écrivent pas derrière un bureau" appuie l’élu.
Proposition de loi
Le député n’en est pas à son premier essai : "Ce passage incognito aux urgences s’inscrit dans la suite des initiatives que nous menons, parlementaires communistes, depuis janvier 2018 dans un tour de France des hôpitaux et des Ehpad pour écouter le personnel et construire des propositions de loi en adéquation avec leurs besoins et leurs revendications" raconte-t-il.
La proposition de loi que porte le député Alain Bruneel fait d’ailleurs l’objet d’une pétition. Son objectif : atteindre le million de signataires. Car tout projet qui rassemble au moins un million d’adhérents peut être discuté devant l’Assemblée nationale, selon une promesse du Président Macron faite lors du Grand Débat national.