Vaccins anti covid : pourquoi un plan mondial est nécessaire
Les pays riches vaccinent massivement contre le Covid-19 quand les pays pauvres peinent à recevoir leurs premières doses. Pourtant, seule une vaccination mondiale permettra de sortir de la crise sanitaire.
"Dix pays seulement ont administré 75% de tous les vaccins covid-19. Pendant ce temps, plus de 130 pays n'ont pas reçu une seule dose." C’est le constat qu’a fait le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, le 17 février.
En effet, si 100 millions de doses de vaccins anti covid avaient déjà été administrées dans le monde au 2 février, le fossé entre les pays riches et les pays pauvres est immense. 77 pays ont lancé leur campagne de vaccination, les plus avancés étant Israël, les Émirats Arabes Unis, le Royaume-Uni et les États-Unis, quand plusieurs pays d’Afrique n’enregistrent aucune vaccination sur leur territoire. Ainsi, plus d’un tiers de la population mondiale (35%) habite dans des pays qui n'ont pas encore commencé à vacciner.
"Bien public mondial"
Pourtant, au début de la pandémie, tout semblait bien parti pour assurer un accès égal et juste à la vaccination dans le monde. Le 24 avril 2020, de nombreux pays s’engageaient publiquement aux côtés de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour accélérer la production de vaccins et en assurer un accès équitable.
Et les dirigeants européens parlaient alors du vaccin comme d’un "bien public mondial unique du XXIᵉ siècle".
Le Covax, dispositif solidaire
Dans la lignée de cette idée, en septembre 2020, l'OMS et l'Alliance pour les vaccins (Gavi) créent le système solidaire Covax qui doit permettre une distribution équitable des vaccins anti-covid.
Son objectif : distribuer des vaccins anti-covid à 20% de la population des 190 pays et territoires participants. Il comporte également un mécanisme de financement qui permet à 92 économies à faible et moyen revenu d'avoir accès aux précieuses doses.
Premiers pays à figurer sur la liste : la Corée du Nord, l’Algérie, Gaza, mais aussi l’Inde, le Pakistan, le Nigeria, l’Indonésie ou encore le Brésil, qui devraient recevoir les premières doses à partir de fin février 2021.
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"Nationalisme vaccinal"
Mais à l’automne, quand la mise sur le marché des vaccins devient imminente, c’est le "chacun pour soi" qui l’emporte. En septembre 2020, l’ONG Oxfam révèle qu’un groupe de pays riches, représentant 13% de la population mondiale, a réservé la moitié des futures doses de vaccins, via des accords directs avec les laboratoires.
Les États-Unis, dès le mois de mai, puis le Royaume-Uni, l'Union européenne ou encore le Japon ont ainsi signé de multiples contrats garantissant en avance la production et la livraison de doses.
Des accords aux relents de "nationalisme vaccinal" que dénoncent l’OMS, qui appelait encore le 8 janvier 2021 les pays riches à cesser les "accords bilatéraux" avec les laboratoires et à faire preuve d’une plus grande solidarité vaccinale. "Je demande instamment aux fabricants de donner la priorité au déploiement" des vaccins par le biais du mécanisme Covax insistait le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Vacciner le Sud protège aussi le Nord
De tels accords risquent de "faire grimper le prix" des vaccins et de les rendre par conséquent inaccessibles aux pays les plus pauvres.
Problème, outre la question éthique : un déséquilibre vaccinal à l’échelle mondiale rendrait la lutte contre la pandémie moins efficace. "Si on laisse le virus se propager comme une traînée de poudre dans les pays du Sud, il mutera encore et encore" avec "de nouveaux variants plus transmissibles, plus mortels qui menaceront potentiellement l'efficacité des vaccins", a ainsi détaillé Antonio Gutteres le 17 février. "Cela peut prolonger considérablement la pandémie, permettant au virus de revenir pour ravager le Nord", a-t-il dit.
En résumé, nous vivons "dans un village mondial" et tant que le vaccin n'aura pas permis d'endiguer la pandémie partout, "personne ne sera en sécurité nulle part", avertissait encore le directeur de l’OMS.
Pour une solidarité vaccinale
Quelle solution reste-t-il alors ? Pour l’ONU, le dénouement de cette crise du covid passe par un effort mondial coordonné. "Le monde a urgemment besoin d'un plan mondial de vaccination pour rassembler tous ceux qui ont la puissance, l'expertise scientifique et les capacités de production et financières requises", a souligné le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Un message qui semble avoir été entendu par l’Union Européenne et les États-Unis, qui ont promis le 19 février lors du sommet du G7 une contribution respective d’un milliard d’euros et de quatre milliards de dollars au dispositif Covax.
La veille, Emmanuel Macron plaidait dans le Financial Times pour que les pays riches, y compris la France, envoient 3 à 5% de leurs doses disponibles aux pays d'Afrique.
Cependant, même si les objectifs du Covax étaient remplis, le chemin de la vaccination reste long. 20% de la population serait certes vaccinée, mais une couverture vaccinale d'au moins 60% est nécessaire pour atteindre l’immunité collective, rappelle de son côté l’Union Africaine (UA).