Sous-effectif, pression, épuisement... les professionnels de crèches en souffrance
L'IGAS alerte sur des cas de maltraitance en crèche et sur la dégradation des conditions de travail dans un récent rapport. Mais à quoi ressemble le quotidien des salariés de la petite enfance ? Reportage.
Une journée type en crèche n’est pas de tout repos."C’est tout le temps très physique, parce qu’on est constamment assis, debout, assis, debout... à porter les enfants pour les changes, parce qu’ils ont besoin des bras..." explique Manon Hubert, éducatrice de jeunes enfants.
Ils ont aussi besoin de beaucoup d’attention. Entre les cris, les pleurs et les bobos, cette professionnelle est sursollicitée en permanence. Ce qui joue sur sa santé mentale. Elle en arrive même à douter de ses capacités.
Souffrances et frustration
"Est-ce qu'on est capable de supporter ce brouhaha toute la journée, cette vigilance toute la journée ? Encore une fois là on est jeune mais quand j’aurais 40, 60 ans, est-ce que je pourrais encore faire ça ? Ce sont des questions qu’on se pose et ça me fait peur", s'inquiète Manon.
À cela s'ajoutent souvent des conditions de travail de plus en plus dégradées : manque d’effectifs, de matériels et de reconnaissance, pression de la direction, avec, parfois une forme de désillusion, comme l’observe sur le terrain Héloïse Junier, psychologue en crèche :"Je vois beaucoup de professionnelles qui sont en conflit intérieur entre leurs valeurs humaines et ce qu’elles peuvent vraiment donner aux enfants sur le terrain. Cela occasionne beaucoup de souffrances, de frustration pour la majorité, surtout avec les bébés."
"24 enfants et seulement deux adultes"
La loi impose aux gestionnaires de crèche un professionnel pour huit enfants marcheurs et un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas. Mais toutes les structures ne l’appliquent pas.
"J’ai travaillé pour des structures privées lucratives, sur le papier c’est intéressant, ça donne envie. Mais sur le terrain on se retrouvait à vouloir mettre en place le projet sans avoir assez de personnel, avec 24 enfants et seulement deux adultes. C’est plus difficile de mettre en place une activité réfléchie que de sortir des crayons et des feuilles", explique Virginie Rousseau, responsable de la crèche Le Baobab, Association Crescendo.
10 000 postes vacants en France
C’est pour cette raison que cette directrice est venue poser ses valises ici, dans une crèche associative, à but non lucratif."On est là pour travailler auprès d’êtres humains et pas auprès d'actionnaires, on est là pour ce public particulier et fragile", précise-t-elle.
"Ici c’est très bien parce qu’on est en nombre, on est cinq pour 20 enfants, ça reste raisonnable", se réjouit Manon.
Comme ici, des crèches se battent chaque jour pour assurer un service de qualité. Mais le secteur reste peu attractif : en France, près de 10 000 postes sont actuellement vacants dans ces établissements.