Faut-il attribuer l'augmentation du nombre de cancers à notre alimentation ?
Le nombre de cancers augmente dans notre pays, faut-il attribuer cette augmentation à notre alimentation, entre autres ?
Les réponses avec le Pr Jean-François Narbonne, toxicologue et chercheur au CNRS et avec le Dr Lylian Le Goff, spécialiste en santé environnementale :
"Il y a eu un pic de pollution monstrueux dans les années 70. Pendant les Trente Glorieuses, on a pollué en sacrifiant l'environnement et notre qualité pour le plein emploi et le développement économique. Et on a donc eu un impact pendant 20 ans. De 1980 à 2000 on a eu une explosion des cancers mais aussi d'autres maladies en particulier l'obésité, le diabète... Aujourd'hui, pour les cancers, statistiquement on a eu un plateau à partir de 2000. Le gros problème c'est que l'on ne peut pas attribuer les maladies d'aujourd'hui aux polluants d'aujourd'hui car on a un décalage dans le temps. On a aujourd'hui diminué drastiquement la pollution parce que l'on a des normes, des agences de contrôle… On a une alimentation aujourd'hui qui est donc beaucoup moins polluée qu'elle ne l'était dans le passé, ce qui ne veut pas non plus dire qu'elle est absente de pollution.
"Il y a encore beaucoup de travail à réaliser. Ceci dit certains cancers continuent à augmenter et d'autre part, si on met souvent l'alimentation en cause, il existe aussi d'autres facteurs. On peut citer l'air intérieur, l'air des villes... Parce que l'alimentation a le plus été étudiée du fait qu'elle était contrôlée par la répression des fraudes, les services vétérinaires... et donc elle a été mieux connue. C'est la raison pour laquelle on met souvent l'accent sur l'alimentation alors qu'il existe d'autres facteurs de pollution.
"Si l'alimentation n'est pas notre seul vecteur de toxiques, il s'agit de notre seul vecteur protecteur d'où le fait de lutter de manière très forte pour la qualité de l'alimentation qui a été fortement dégradée par l'agriculture productiviste."
"Parmi les cancers qui ont le plus explosés, il y a les cancers dits hormono-dépendants donc favorisés par des polluants qui ont une activité hormonale de type œstrogènes parmi lesquels de nombreux pesticides. Mais il y a aussi des polluants que l'on trouve dans les emballages alimentaires plastiques et notamment à l'intérieur des boîtes de conserve avec les phtalates et le bisphénol A qui sont reprotoxiques. Ils perturbent les métabolismes endocriniens, essentiellement la fertilité. Mais cela interfère aussi sur certains cancers (cancer de la prostate, cancer du sein, cancer de l'utérus…) qui sont parmi les plus en expansion. Et parmi les facteurs de risque il y a aussi la manière de cuisiner, car il y a des modes de cuisson très agressifs qui peuvent être cancerigènes."
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