L'aspirine à titre préventif comporte des risques
"Un peu d’aspirine tous les matins aiderait à prévenir les cancers, le cholestérol, l’hypertension" et bien d’autres maladies encore… Les idées reçues sont tenaces. À écouter les Français, l’aspirine serait un médicament miracle. Mais selon une étude, la prise quotidienne d’une faible dose d’aspirine comporterait plus de risques que de bénéfices.
L'étude publiée le mardi 10 janvier 2012 dans Archives of Internal Medicine, par des chercheurs de l’université de Londres a examiné les données de 100 000 participants à neuf essais cliniques. Ils montrent une baisse de 10 % du risque cardiovasculaire (sans conduire néanmoins à une baisse des décès dus à un accident cardiovasculaire ou à un cancer). La prise régulière d'aspirine a en revanche entraîné une augmentation de 30 % du risque de saignements internes pouvant mettre en danger la vie du patient.
L’aspirine est un antalgique, un antipyrétique, un anti-inflammatoire et surtout un antiagrégant plaquettaire, c’est-à-dire qu’il empêche la coagulation du sang. Les médecins le prescrivent généralement aux patients à risque accru d'accidents cardiovasculaires ou bien aux patients qui viennent de se voir poser un stent et pour lesquels on veut empêcher la formation de caillots sanguins qui pourrait provoquer un infarctus.
Comme le précise le Dr Rao Sehasai, de l’université de Londres-Saint Georges, "l'effet bénéfique de l’aspirine dans la prévention des maladies cardiovasculaires pour des personnes ayant fait des attaques ou des AVC est indiscutable".
Le problème viendrait de l’automédication ou de la prescription à faibles doses et de façon préventive d’aspirine pour les patients sans pathologie détectée. Il est vrai que plusieurs études, notamment des études publiées dans The Lancet, ont fait état d’effets protecteurs de l’aspirine contre plusieurs cancers (côlon, prostate, poumon).Pourtant, les effets secondaires de l’aspirine sont connus. Ils concernent essentiellement le risque de saignements pouvant entraîner des anémies voire des ulcères à l’estomac. Parfois, l'aspirine peut entraîner des saignements occultes, c’est-à-dire invisibles à l’œil nu.
Pour le Pr. François Chast, chef du service pharmacologie-toxicologie de l’Hôtel-Dieu (Paris), les résultats de l’étude sont logiques. "Il n’est pas raisonnable de prescrire de l’aspirine quotidiennementau tout-venant, même à titre préventif et même à faible dose. Ce serait exposer le tout-venant à développer des hémorragies digestives. Dans ce cas, car pour quelques personnes ce serait positif, on verrait apparaître des pathologies digestives au moins aussi nombreuses".
C’est aussi ce que conclut l’étude : pour des patients en bonne santé et sans pathologie cardiaque détectée, la prise d’aspirine entraîne davantage de risques que de bénéfices.
Source : Effect of Aspirin on Vascular and Nonvascular Outcomes, Arch Intern Med. Published online January 9, 2012.
En savoir plus
Sur Allodocteurs.fr :
- Les antalgiques : une révolution contre la douleur
- Médicaments : entre avantages et risques
- Cancer : les bienfaits de l'aspirine, article du 7 décembre 2010
- L'aspirine pour éviter le cancer colorectal, article du 31 octobre 2011
- Cancer : de l’Aspirine® pour prévenir les tumeurs colorectales
Ailleurs sur le web :
- Archives of Internal Medicine
- "Aspirin therapy in primary prevention : to use or not to use ?", par Samia Mora, 9 janvier 2012