Dépister le papillomavirus par les urines ?
Existe-t-il une alternative fiable au frottis vaginal pour dépister une infection aux HPV (papillomavirus humains) ? Des chercheurs britanniques et espagnols ont réalisé la synthèse de quatorze études récentes mettant en jeu des tests urinaires. Si la méthode de dépistage produit beaucoup de "faux positifs", elle resterait une alternative acceptable au frottis lorsque les médecins se heurtent aux réticences des patientes.
On estime que 70% des adultes sexuellement actifs rencontrent un papillomavirus humain (HPV) dans leur vie. Dans la plupart des cas, ce virus est éliminé naturellement mais parfois il persiste. Il pénètre alors la surface du col de l'utérus et provoque des lésions qui, pour certaines souches du virus, peuvent être à l'origine du cancer du col de l'utérus.
Pour l'heure, le principal mode de prévention de ce cancer consiste à rechercher la présence du HPV dans le col de l'utérus sur un prélèvement biologique (après frottis vaginal ou biopsie).
Afin de faciliter le dépistage, une technique alternative, moins invasive, a été mise en place ces dernières années : le test urinaire. Encore rare, il fait l'objet de plusieurs évaluations outre-Atlantique et en Europe.
Des tests fiables ?
Des chercheurs européens ont passé au crible quatorze études scientifiques récentes afin d'estimer la fiabilité de ces tests urinaires des HPV.
Pour les HPV à haut risque, cette sensibilité moyenne est estimée à 77% (voir encadré). Leur spécificité serait de l'ordre de 88%.
Ces données brutes signifient que si, pour une patiente donnée, le test donne un résultat positif, il y a une chance sur trois que celle-ci ne soit, en réalité, pas infectée. Inversement, si le test est négatif, il y aurait une chance sur douze qu'elle soit en fait infectée.
Mais les marges d'erreur attachées à ces valeurs sont, en réalité, très importantes. Face à cette incertitude, on est en droit de retenir les hypothèses les plus pessimistes à l'égard des performances de ces tests. En ce cas, lorsque le test donne un résultat positif, il y aurait près de deux chances sur trois que la patiente ne soit pas infectée. Si le résultat est négatif, il s'agira alors d'une erreur dans un cas sur sept…
Utiles malgré tout
Les performances des tests urinaires sont telles qu'il est impossible de les utiliser, en routine, en remplacement des tests conventionnels (sur des prélèvements effectués par frottis).
Toutefois, ce dispositif reste préférable à l'absence de dépistage, notamment auprès des populations réticentes au frottis vaginal. Au vu de la relativement bonne spécificité du test et de la fréquence de l'infection aux HPV dans la population générale (environ une femme adulte sur quatre), on peut conclure :
- qu'un résultat négatif peut légitimement rassurer, sans constituer une garantie absolue de non-infection ;
- qu'un résultat positif ne doit pas nécessairement inquiéter, mais appelle à la conduite d'examens complémentaires.
De nouvelles études sont en cours dans de nombreux pays (notamment en France, au CHU d'Angers) pour affiner l'évaluation de la fiabilité des tests urinaires. Ces travaux permettront aussi de préciser le protocole d'utilisation, et d'estimer si ce protocole peut aisément être suivi par les patientes(1).
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(1) L'efficacité d'un test peut en effet dépendre de l'efficacité avec laquelle il est utilisé. Par exemple, une étude réalisée en 1998 a démontré que les tests de grossesse du commerce, "s'ils sont utilisés par des techniciens expérimentés", permettent de prédire une grossesse dans 97,4% des cas. Toutefois, la même étude a révélé que lorsque le test est interprété par un non professionnel, cette précision chute à… 75%, du fait d'une mauvaise compréhension de la notice. Trop d'urine, pas assez d'urine ou une urine trop diluée, un temps d'attente trop court : les erreurs d'interprétation produisent des faux "négatifs" comme des "faux positifs".
Source : Accuracy of urinary human papillomavirus testing for presence of cervical HPV: systematic review and meta-analysis. N. Pathak et coll. BMJ, 16 sept. 2014; 349 doi:10.1136/bmj.g5264
En statistiques, la sensibilité d'un test correspond à sa capacité à détecter ce qu'il est censé détecter (en d'autres termes, à ressortir "positif" lorsque le patient est effectivement atteint d'une pathologie donnée).
La spécificité d'un test correspond à la proportion de résultats "négatifs" chez les patients sains.
Pour des pathologies rares, un test ayant une sensibilité élevée mais une spécificité moyenne produira un très grand nombre de faux positifs.