Sevrage alcoolique : le Baclofène, un médicament miracle ?
Mardi 24 janvier 2012, le Pr. Olivier Ameisen donnait une conférence à l'hôpital Cochin (AP-HP) pour expliquer les vertus du Baclofène. Une pilule qui, selon lui, supprimerait toute envie de consommer de l'alcool. Le Pr. Ameisen ouvrira d'ici quelques semaines une consultation d'addictologie à l'hôpital Cochin.
Au départ, il s'agit tout juste d'une molécule destinée à soulager les crampes musculaires. Le Baclofène est un vieux médicament, commercialisé depuis 1974, d'abord sous le nom de Liorésal®, puis en génériques. Mais le Pr. Ameisen affirme qu’il lui a permis de guérir de son alcoolisme, sans effort, sans cure, sans abstinence forcée…
Ce professeur en cardiologie de l'université de New York est un ancien alcoolique. Il dit avoir guéri de cette maladie grâce à cette pilule quasi-miraculeuse. Il explique même pouvoir boire, à l’occasion, un verre d'alcool, sans rechuter. Le Baclofène aurait tout simplement annihilé toute envie de boire.
Prescrit à certaines doses, le principe actif du Baclofène agirait dans le cerveau pour bloquer la dopamine, un neurotransmetteur essentiel dans le mécanisme de l'addiction.
De son histoire, le Pr. Ameisen a tiré un succès de librairie en 2008, Le dernier verre. Une histoire qui a contribué à faire croître les ventes de ce médicament en pharmacie : le nombre de patients sous Baclofène est passé de 80 000 en 2007 à 100 000 en 2010.
Mais pendant toutes ces années, le Pr. Ameisen se heurte aux résistances des addictologues. Le Baclofène n'a en effet pas d'Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour soigner l'alcoolisme. Or l'affaire du Mediator a rappelé aux médecins les risques qu'ils encourent à prescrire un médicament hors AMM.
L'AP-HP a déposé un dossier d'essai clinique à l'Afssaps. Les essais doivent commencer au mois de mai 2012, sur une cohorte de 320 patients et dureront 18 mois. Ils auront pour objectif de démontrer l'efficacité du Baclofène pour une consommation d'alcool normale ou nulle. Mais pour l’instant, aucune étude de grande ampleur n'a été menée permettant de démontrer l'efficacité et l'innocuité du Baclofène contre l'alcoolisme, quand il est prescrit aux doses préconisées par le Pr. Ameisen.
De plus, et surtout, comme le font ses partisans les plus zélés, peut-on vraiment qualifier le Baclofène de pilule miracle, qui supprime toute volonté de boire de l'alcool et remet donc en cause un dogme ? Celui selon lequel un alcoolique peut guérir de l'envie de boire et qu'il doit rester ad vitam aeternam abstinent, faute de quoi il replongera.
Le Dr Philippe Batel, addictologue à l'hôpital Beaujon (Clichy, AP-HP) prescrit du Baclofène a certains de ses patients depuis 2006. Pourtant lui aussi tient à rester prudent, notamment parce qu'il constate, depuis quelques années, une vague de patients déçus. "Couper l'envie de consommer de l'alcool ne suffit pas. Beaucoup de patients boivent sans envie. Ils sont sous Baclofène depuis 2-3 ans et rien ne se passe. Je pense en revanche que ce traitement est un excellent anxyolitique et qu'il peut aider les patients qui ont un profil d'alcoolodépendant-anxieux".
Nombreux sont les addictologues à considérer que l'approche médicamenteuse ne suffit pas pour traiter une addiction, quelle qu'elle soit. C'est aussi l'approche que défend Michel Lejoyeux, le président de la Société Française d'Alcoologie, qui défend aussi l'approche relationnelle et psychothérapique.
Echaudée par le scandale du Mediator, l'Afssaps (l'Agence française du médicament) a publié au mois de juin 2011 "une mise en garde contre une utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants", en raison de "l'absence de données robustes d'efficacité dans cette indication". En cause, notamment : des troubles d'endormissement et de possibles dépressions.
En savoir plus
- Mise en garde de l'Afssaps
Point d'information sur l'utilisation hors AMM du baclofène dans le traitement de l'alcoolo-dépendance.
- Allodocteurs.fr
- Alcoolisme : le baclofène guérit-il la dépendance ?, reportage du 14 avril 2010.
- Alcool : les solutions contre la dépendance