Un jeune homme se suicide en direct sur Internet
Un ancien militaire de 22 ans s’est suicidé en direct sur Internet, sur le forum psychologique d’un site spécialisé en médecine, en se tirant une balle dans la bouche. Si la diffusion de sa propre mort via une webcam reste un cas exceptionnel, les alertes aux suicides sur Internet sont de plus en plus fréquentes. Entretien avec le Pr. Marcel Rufo.
Jean-Edouard, 22 ans, avait déjà commis quatre tentatives de suicide. Cette fois, c'est devant sa webcam qu'il a décidé de mettre fin à ses jours. Militaire de profession, le jeune homme de passage chez un proche à Marseille s'est connecté samedi 29 octobre 2011, vers 2 heures du matin, sur un forum d'aide psychologique d'un site dédié aux questions médicales, Doctissimo. Il s'est tué d'une balle dans la bouche alors qu'il était en plein tchat avec un autre internaute. C'est la première fois qu'un internaute se donne la mort en direct sur sur un site web en France. D'autres cas se sont déjà produits en Allemagne ou encore aux Etats-Unis.
La mort mise en scène
Pourquoi décide-t-on de mettre en scène et diffuser sa propre mort ? A l'heure de la culture du buzz et de l'exposition de la vie privée sur les réseaux sociaux, la Toile prend souvent le rôle d'exutoire. "Ici Internet offre les moyens de faire de son suicide un événement exceptionnel et visible par tous", explique Michaël Stora, psychologue et spécialiste des mondes virtuels. Au-delà du désespoir et du besoin de libération, les personnes suicidaires "ressentent un désir de reconnaissance narcissique très fort. Il faut que cet acte soit reconnu par le grand nombre. Celui qui met en scène sa mort est aussi dans un acte d'exhibitonnisme".
Des degrés de surveillance et d'alertes différents sur Internet
Jean-Edouard n'était pas connu des forums du site spécialisé. Sur ces forums, comme sur les réseaux sociaux, les menaces de suicides sont de plus en plus fréquentes. Si beaucoup de cas d'appels à l'aide lancés sur Twitter ou Facebook ont été sauvés, d'autres ont connu des issues fatales. Pour Michaël Stora, "les sites et les réseaux sociaux doivent se poser la question de la responsabilité citoyenne. Le problème, c'est qu'on a souvent affaire à des internautes qui s'aident entre eux alors qu'ils devraient y avoir l'intervention de modérateurs professionnels formés à ces cas."
Justement, sur Doctissimo, ce sont des membres des forums, animateurs bénévoles, qui ont pour mission de signaler les messages inquiétants. Une fois alertés, l'équipe de modérateurs du site prend le relais et décide d'alerter ou non les forces spéciales de police. "Ce sont des espaces communautaires, près de 150 000 messages sont envoyés chaque jours. Nous n'avons pas la possibilité de mettre un modérateur derrière chaque forum, 24h/24", justifie Christophe Clément, responsable des communautés de Doctissimo. Dans le cas du suicide de Jean-Edouard, "le temps entre la menace et le passage à l'acte était trop court pour pour que nous puissions faire quelque chose. Si on fait un bilan, c'est la première fois qu'un tel drame se produit alors que des centaines de personnes ont été sauvées grâce aux forums. Nous réfléchissons à ce problème et nous allons développer un système d'alerte plus instantané pour les messages à caractères suicidaires."
Lorsque l'alerte est donnée aux forces spéciales de police, l'unité PHAROS (Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements) prend le relais. Ils traitent les messages suicidaires, mais aussi les messages sur la maltraitance infantile, la violence conjugale ou encore à caractère pédophile. Leur mission : trouver les adresses IP (adresse de l'accès Internet) de ces internautes suicidaires, localiser le logement et envoyer une équipe sur place. L'an dernier, 181 suicides ont été empêchés par PHAROS.
Michaël Stora insiste : "tout message de détresse doit être pris au sérieux, on ne doit pas rester indifférent". Pour cela, un portail de signalement existe : internet-signalement.gouv.fr.
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