Attaque au couteau à Paris : faut-il faire évoluer l'injonction de soins ?
L’assaillant de l'attaque du 2 décembre serait atteint de pathologie psychiatrique et aurait arrêté son suivi malgré son injonction de soins. De quoi s'agit-il ? Faut il renforcer l'application de cette injonction ? On fait le point.
L'attaque a fait un mort et deux blessés. Samedi 2 décembre au soir, quai de Grenelle à Paris, un jeune homme de 26 ans fiché S a tué un touriste et blessé deux autres personnes. Il souffrait de troubles psychiatriques et avait été soumis à une injonction de soins qui avait pris fin le 21 avril dernier. Mais de quoi s’agit-il ?
Une injonction pour éviter des récidives
Ce dispositif d'injonction de soins a été créé en 1998, initialement pour prendre en charge les délinquants sexuels. Il a ensuite été élargi à d’autres profils. "L'injonction de soins est une mesure qui arrive après la peine : le sujet a fait de la prison ou a été condamné, et un médecin expert psychiatre prescrit une injonction de soins", décrit la Docteure Gabrielle Arena, psychiatre.
"La plupart du temps, on ne donne pas une injonction parce qu'ils sont malades mentaux. On leur donne parce qu'on veut continuer à travailler chez ces sujets qui sont violents, pour éviter des récidives possibles", poursuit-elle.
"Il ne s'agit pas d'un travail de psychiatrie ordinaire"
Dans le cas de l'auteur de l'attaque au couteau du 2 décembre, le médecin coordonateur notait le 21 avril dernier "aucune dangerosité d'ordre psychiatrique identifiée". "Le médecin coordonateur est nommé par le juge d'application des peines, mais ce n'est pas lui qui fait le suivi" précise la Dr Arena. "Il demande au sujet de choisir un psychologue ou un psychiatre traitant, donc il ne fait qu'avaliser les choix de la personne et les reçoit tous les deux ou trois mois pour voir son évolution", détaille la psychiatre.
Ainsi, s'il détecte un problème, le médecin coordonateur peut demander au magistrat de recevoir à nouveau le sujet. "Il ne s'agit pas d'un travail classique que l'on fait en psychiatrie ordinaire. La problématique autour de la dangerosité ou de la violence de ces sujets est plus compliquée à suivre que les personnes qui souffrent d'un trouble psychiatrique."
Trop peu de psychiatres formés
Un des problèmes sous-jacents est bien sûr le manque de moyens en psychiatrie et la difficulté d'accès aux soins psychiatriques. "Il n'y a pas assez de psychiatres, et il y en a de moins en moins, on le dit depuis longtemps. Mais ce ne sont pas tous les psychiatres qui s'occupent de ces sujets-là, qui ont un profil de dangerosité ou qui ont fait de la prison : nous n'avons pas reçu la formation pour cela, il faut faire une démarche personnelle de formation et en avoir envie" dénonce la Dre Arena.
Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a de son côté évoqué un "ratage psychiatrique". Il s’est exprimé, pour que "le pouvoir public, les préfets, les policiers puissent demander, exiger une injonction de soins" pour une personne radicalisée suivie pour troubles psychiatriques. Ce serait une sorte d’injonction "administrative", et le préfet pourrait forcer quelqu’un à se présenter devant un psychiatre. "Ça ne peut rien changer du tout, on pourra multiplier les injonctions de soin, si en face on n'a pas assez de personnes formées pour les prendre en charge, ça ne peut pas fonctionner", répond la Dre Arena.