Cytomégalovirus : bientôt un dépistage généralisé chez les femmes enceintes ?
Chaque année l'infection au cytomégalovirus (CMV) représente un risque de transmission et de séquelles potentiellement graves pour le fœtus. Pourtant, le dépistage n'est toujours pas proposé pendant la grossesse.
Jeu après jeu, chaque activité est l’occasion de stimuler Pia. À 7 ans, elle souffre d’une paralysie cérébrale qui entraîne de multiples handicaps."Elle a tout d'abord un handicap mental qui est un peu difficile à estimer puisque comme elle est sourde, la communication est plus difficile forcément", explique sa mère, Jessy.
"Elle a également un handicap moteur, elle ne marche pas, elle n'est pas propre. On a la chance qu'elle se déplace à quatre pattes et qu'elle se déplace assez bien en fauteuil roulant, elle utilise très bien ses mains, pour autant, on sait qu'elle ne marchera jamais", poursuit-elle.
"Je n'avais jamais entendu parler du CMV"
Pia est le deuxième enfant du couple et dès sa naissance, Jessy a senti que quelque chose n’allait pas."Dès qu’on m'a posé Pia sur le ventre, j’ai compris qu’il y avait un problème. Elle était très blanche avec le tour des yeux un peu bleu-gris. Tout de suite, je me suis dit qu'il y avait un problème. Elle avait vraiment un teint cadavérique," précise la jeune femme.
Le diagnostic est tombé quand Pia avait trois mois. Elle a été infectée par un virus que Jessy a contracté au début de sa grossesse : le cytomégalovirus, aussi appelé CMV.
"Je n'avais jamais entendu parler du CMV, je ne connaissais pas du tout ce qu'était ce virus. La première fois qu'on m'en a parlé, c'est quand on a diagnostiqué la surdité chez Pia qui avait un mois et demi", confie Jessy Kosman.
Un dépistage "inutile" ?
Le cytomégalovirus chez l’adulte passe le plus souvent inaperçu, mais lorsqu’il infecte la femme enceinte, il existe un risque qu’elle le transmette à son bébé. 20 fois plus fréquent que la toxoplasmose, le CMV est aujourd’hui la première cause de retard mental et de surdité chez les nourrissons après les causes génétiques.
Pourtant, aujourd’hui, aucun dépistage n’est proposé aux femmes enceintes. Dans son dernier avis qui date de mai 2018, le Haut Conseil en santé publique est catégorique : "le HCSP n’est pas favorable au dépistage systématique de l’infection à CMV chez les femmes par test sérologique".
Selon ces experts, le dépistage du CMV est inutile, car le traitement censé limiter les risques de transmission de la mère au fœtus n’est pas suffisamment efficace.
Une simple prise de sang pour un enjeu de taille
Ce sont des arguments que le Professeur Yves Ville conteste avec force. Il étudie le CMV depuis 30 ans et aujourd’hui, il se bat pour imposer un dépistage généralisé. "Si ce dépistage avait lieu, on éviterait en France 80 % des handicaps liés au CMV parce qu'on l'identifierait tôt, on pourrait alors prescrire un traitement dont on connaît l'efficacité", clame le Pr Yves Ville, chef du service d'obstétrique et de médecine foetale à l'hôpital Necker-Enfants malades, à Paris.
"Il est efficace à 80 % pour empêcher le virus de passer vers le fœtus, et même quand le fœtus est infecté, on a mis au point ici un traitement qui permet de diminuer les conséquences chez le fœtus infecté. Il est absolument stupéfiant qu'avec cela, on continue à nier aveuglément cette maladie", se révolte-t-il.
Le Haut Conseil en santé publique doit rendre un nouvel avis sur cette question à la fin de l’année. En attendant, les femmes enceintes peuvent demander une ordonnance à leur médecin ou à leur sage-femme pour dépister le CMV. Il s’agit d’une simple prise de sang.