Faut-il davantage encadrer la naturopathie ?
La naturopathie est une profession régulièrement ébranlée par des drames et sujette à de nombreuses dérives. En cause : une absence totale d'encadrement de la part de l'Etat. Mais la situation pourrait bientôt évoluer.
Cet après-midi, Marie-Jeanne a rendez-vous avec sa naturopathe. À 77 ans, cette retraitée n’a pas de problèmes de santé majeurs, mais elle souffre d’arthrose, de stress et d’un manque de tonus.
Pendant plus d’une heure, la naturopathe interroge sa cliente sur ses antécédents médicaux et son état général physique et mental. Pour 75 euros, Marie-Jeanne aura des conseils de bon sens pour une meilleure hygiène de vie et des recommandations pour acheter des huiles essentielles et des compléments alimentaires.
"On ne fait pas de diagnostic"
"Ce que j’aime bien quand je vais voir ma naturopathe, c’est ce côté bien-être, cette écoute, cette disponibilité que mon médecin n’a pas. Cela dure 15 minutes, je rentre, il me dit à peine bonjour, demande la carte vitale...", regrette Marie-Jeanne.
"On est là en complément de la médecine traditionnelle" prévient Anouk Boisseau, naturopathe."On ne fait pas du tout de diagnostic, on ne fait pas de prescriptions, on ne fait pas de consultation, on ne lit pas d'analyse. Si un patient arrive en expliquant qu'il veut arrêter son traitement, sa chimiothérapie ou ses antidépresseurs, clairement, on lui dit que ce n'est pas possible."
Aucun contrôle de l'Etat
Cette naturopathe s’est fixée des limites. Mais aucun cadre n’existe pour réglementer cette profession, et de nombreuses dérives sont possibles. Ainsi, Eric Gandon, naturopathe, a été mis en examen pour homicide involontaire, abus de faiblesse, mise en danger de la vie d’autrui et exercice illégal de la médecine. Il avait fait jeûner des malades parmi lesquels trois sont décédés.
Pour Alexandra Attalauziti, présidente du syndicat national des professionnels de la naturopathie, ces drames auraient pu être évités :"Je suis triste de pouvoir encore entendre ce genre de drame alors que ça fait longtemps qu’on alerte et qu’on dit qu’il faut faire quelque chose pour protéger les usagers" déplore-t-elle. "J’accepte aussi mes responsabilités, on n’a pas passé assez de temps pour dire non nous ne sommes pas des magiciens, nous ne pouvons pas vous guérir", confie encore Alexandra Attalauziti.
Cette représentante des naturopathes regrette le manque de contrôle de l’État. Du côté des pouvoirs publics, on assure que des mesures seront prises lors des assises contre les dérives sectaires en mars prochain.
"Si vous avez un doute, parlez-en à un professionnel de santé"
En attendant, les usagers inquiets peuvent s’informer sur le site internet No FakeMed, créé par des soignants qui luttent contre la désinformation en santé.
"Le message du collectif No FakeMed est : faites ce que vous voulez, mais si vous avez un doute, si vous avez une question sur l'arrêt de votre chimiothérapie, de votre médicament sur le diabète… Parlez-en à un professionnel de santé, ne restez pas seuls, face à ces questions où votre santé derrière est en jeu", précise le Dr Pierre de Bremond d’Ars, président du collectif No FakeMed.
En 2021, les pratiques de soins non-conventionnels ont fait l’objet de 700 signalements auprès de la Miviludes, l’organisme de lutte contre les dérives sectaires.