La lumière bleue est-elle vraiment nocive pour nos yeux ?
La surexposition à la lumière bleue à cause des éclairages artificiels est de plus en plus préoccupante pour notre santé, selon le Pr Denoyer, ophtalmologue. Voici ses conseils pour mieux nous en prémunir.
Lampes, phares de voitures, écrans… Depuis quelques décennies, l’éclairage LED à dominante bleue est devenu omniprésent dans notre quotidien. "Le problème, c’est que cette lumière bleue est loin d’être inoffensive pour nos yeux" met en garde le Professeur Alexandre Denoyer, professeur des Universités et ophtalmologue au CHU Robert Debré, à Reims. "Contrairement aux lumières chaudes des lampes incandescentes ou blanches des halogènes, cette lumière bleue est directement toxique pour les cellules", précise-t-il.
Des effets phototoxiques avérés
La toxicité d’une exposition à court et moyen terme à la lumière bleue a été mise en évidence dans un avis publié par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2017. Cette lumière est principalement néfaste pour les yeux : "en fixant un écran avec une dominante de lumière bleue, l'œil effectue beaucoup de micro-accommodations, ce qui entraîne une sécheresse et une fatigue oculaires" décrit le Pr Denoyer. Sur le long terme, cela peut favoriser la myopie et une baisse de la vision, en particulier chez les enfants dont la croissance n’est pas terminée.
Une exposition aux écrans en soirée ou la nuit peut aussi entraîner "la perturbation des rythmes de l’alternance veille-sommeil (rythmes circadiens)" selon l’Anses. À long terme, la "survenue d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est avérée" ajoute l’Agence.
Attention aux populations fragiles
Si ces dangers touchent tout le monde, ils sont plus importants chez les personnes sensibles à la lumière, comme les enfants, les personnes sans cristallin ou porteuses d’un cristallin artificiel, ou encore les personnes atteintes de certaines maladies oculaires et cutanées ou consommant des substances photo-sensibilisantes.
En revanche, les personnes âgées semblent être plus protégées que les jeunes contre ce phénomène. Et pour cause : "plus on vieillit, plus notre cristallin devient jaune et fournit un filtre naturel contre la lumière bleue" explique le Pr Denoyer.
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Faut-il porter des lunettes à filtre anti-lumière bleue ?
Depuis quelques années, des lunettes munies de filtres "anti-lumière bleue" sont apparus sur le marché, promettant une meilleure protection des yeux, même après plusieurs heures passées devant un écran. Cependant, ces lunettes n’auraient pas ou peu d’effets notables sur la santé, selon une méta-analyse publiée en 2023 dans la revue scientifique Cochrane et s’appuyant sur 17 études. "Pour que ces lunettes puissent être vraiment efficaces, il faudrait mettre des filtres très jaunes, au point de ne plus distinguer le reste des couleurs" précise le Pr Denoyer. "Les vendeurs doivent faire un compromis entre l’efficacité et le confort des utilisateurs. Résultat : les lunettes avec des verres munis de filtres bleus ne sont pas meilleures que celles avec des verres sans filtres."
En revanche, les paramètres "Mode nuit" ou "filtre de lumière bleue" de plus en plus souvent disponibles sur les smartphones démontrent une certaine efficacité, selon le Pr Denoyer. "Globalement, ça marche, mais pour que ce soit pleinement efficace, il faudrait mettre un filtre supplémentaire directement sur l’écran", poursuit-il.
"Allez vivre dehors !"
Pour éviter une surexposition à la lumière bleue, l’Anses recommande de limiter l’utilisation des écrans le soir avant de s’endormir, notamment chez les enfants et adolescents. Il est également conseillé de "privilégier les éclairages domestiques de type « blanc chaud » et opter pour un éclairage indirect utilisant des diffuseurs".
Dernier paramètre à prendre en compte : "Plus on s’éloigne de la lumière naturelle, plus on est exposé à la phototoxicité de la lumière bleue" met en garde le Pr Denoyer. "Donc allez vivre dehors, loins des écrans !" préconise-t-il enfin.