Drogue au volant : quels effets ?
On connaît les dangers de l'alcool au volant, mais il ne faut pas sous-estimer ceux de la drogue sur la route. En 2015, 13% des conducteurs impliqués dans un accident mortel avaient consommé des stupéfiants. Et le nombre d'accidents liés aux drogues a tendance à augmenter. Le Magazine de la santé a donc voulu tester une combinaison censée simuler le comportement d'un conducteur sous l'emprise de drogue.
Fumer du cannabis avant de prendre le volant, une très mauvaise habitude qui n'est pas toujours considérée comme une prise de risque. Le conducteur a souvent l'impression d'être en pleine possession de ses capacités. Or, on sait que sur la route, le cannabis multiplie par deux le risque d'être responsable d'un accident mortel.
"Lorsque l'information passe du cerveau vers l'appareil locomoteur, le temps d'arrivée et le temps de réaction est bien moins important que lorsqu'on n'a pas consommé. Il y a sur le plan psychologique et sur le plan cognitif une sous-estimation du danger et une surestimation de sa capacité à réagir", explique le Pr Amine Benyamina, psychiatre-addictologue.
Concrètement, comment le cannabis et les autres drogues influencent-elles le comportement au volant ? Pour le savoir, le Magazine de la santé a testé une combinaison. Vision floue, déformée, jambes lourdes… elle simule les effets des stupéfiants sur l'organisme. Dans les oreilles, une musique psychédélique et sur les lunettes, des lumières clignotantes ne facilitent pas la tâche du conducteur. La concentration est difficile, la capacité à se situer dans l'espace pratiquement impossible…
Cette combinaison a été conçue par un constructeur automobile et un institut scientifique allemand. Essayée lors des journées de prévention routière, elle cible particulièrement les 18-25 ans qui sont les plus gros consommateurs de drogues. "On va attirer les jeunes pour faire ces formations parce que c'est fun. Et derrière, on va aussi parler de messages très sérieux lorsqu'ils vont prendre un parcours et renverser un certain nombre de plots. On peut leur dire aussi que ces plots auraient pu être des personnes qu'ils auraient pu blesser voire tuer", précise Olivier Gallic, responsable communication Ford France.
Une sensibilisation nécessaire car le nombre d'accidents directement liés à l'usage de stupéfiants augmente. On estime que dans 21% des accidents mortels, la drogue est impliquée. Pour mieux comprendre l'intérêt de cette combinaison, nous avons montré les images de notre test à un spécialiste de la prévention routière. "Avec tout cet attirail, la conduite est un peu moins sûre, une conduite plus hésitante. C'est une réaction des conducteurs qui conduisent sous cannabis, ils ont tendance à ralentir pour compenser la baisse de leurs facultés visuelles et motrices", souligne Christophe Ramond, directeur des études et recherches de l'association Prévention routière.
Si les conducteurs sous cannabis ont tendance à lever le pied, ceux qui consomment des drogues dites psychostimulantes comme la cocaïne ou les amphétamines adoptent un tout autre comportement : "Ce sont surtout des produits qui développent l'agressivité. Et donc lorsqu'on est au volant, on va prendre des risques qu'on ne prendrait pas d'habitude. On va par exemple accélérer, on ne va pas mettre sa ceinture, on va effectuer des dépassements dangereux… On a vraiment des effets très différents du cannabis mais toutes les drogues augmentent notablement le risque d'avoir un accident", note Christophe Ramond.
Si pour le Pr Amine Benyamina, psychiatre-addictologue, cet outil de prévention est utile, il lui manque une dimension importante du comportement addictif : "La réalité est plus subtile, moins grossière. Mais si cela peut dissuader les personnes de consommer et de prendre le volant, ça aura eu son effet. Mais on oublie une chose : le plaisir derrière la consommation. Celui-là, on ne peut pas le reproduire parce que c'est le plaisir qui facilite la prise de risque. Et c'est très difficile à simuler".
En France, la conduite sous l'influence de produits stupéfiants est un délit passible de deux ans de prison et de 4.500 euros d'amende.