Fumer ne réduit pas le stress, au contraire
Des chercheurs français ont montré que l’activation des récepteurs de la nicotine chez les souris augmente leur sensibilité au stress. Un mécanisme qui pourrait se retrouver chez l’homme.
Une pause cigarette et les soucis s’envolent... L’image est partagée par beaucoup et est l’une des raisons pour laquelle certaines personnes se mettent à fumer. Une étude, réalisée sur des souris, vient pourtant contredire l’idée que la cigarette détend.
Des chercheurs du laboratoire Neurosciences Paris-Seine (CNRS/Inserm/UPMC) et de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Nice Sophia Antipolis) ont tenté d’évaluer l’impact du stress social chez les souris en activant ou en bloquant les récepteurs nicotiniques des animaux. Résultat : les signes de stress social sont amplifiés lorsque les souris sont exposées à la nicotine et supprimés quand les récepteurs sont désactivés.
"Si on ajoute la nicotine, il suffit d'un jour, au lieu de dix, et on obtient les mêmes effets en terme de stress social chez la souris, détaille Philippe Faure, directeur de recherche au CNRS. Cela suggère que la nicotine peut potentialiser les effets du stress." Un stress social qui, chez ce rongeur, survient normalement au bout de dix jours lorsqu’il est confronté à des congénères agressifs. Il se caractérise par un évitement de ses semblables et une moindre attirance vers les sucres.
"Tout ça nous permet de monter que les voies du stress ne sont pas indépendantes du récepteur nicotinique", explique le Pr Faure. Appliqué à l’homme, cela signifierait que fumer augmente les effets du stress. Selon le chercheur, il n’est "pas évident" que les mécanismes décrits avec la souris soient identiques chez l’homme. Si la nicotine venait agir de la même façon dans notre cerveau, cela pourrait expliquer nos réactions dans des situations de stress liées aux relations sociales, au travail notamment. Car ce stress social ne se manifeste pas au sein de l’espèce humaine par l’agression directe de nos semblables, ni par l’instauration d’une hiérarchie avec des dominants, mais plutôt par un regard négatif sur notre place dans la société.
Le problème de la sensation de manque
La solution pour être bien dans sa peau ? Jeter ses cigarettes à la poubelle, pourrait-on répondre. Problème, le manque de nicotine créé aussi un stress, et fumer donne l’impression de détendre, quand cela serait plutôt le contraire selon l’étude. Le cercle vicieux va alors s’auto-entretenir, puisque le manque rend l'arrêt très difficile et que la nicotine augmente le stress que la cigarette est censée apaiser. Chez les personnes qui consomment du tabac pour gérer leurs angoisses, il faudra alors traiter en parallèle le stress généré par la nicotine et les effets du manque.
Les responsables de l’étude ne savent pour l’instant pas si seul le stress social, qui n’est qu’une voie du stress parmi d’autres, est influencé par la nicotine. Ils vont s’atteler à comprendre, chez les souris toujours, à quel point le récepteur nicotinique agit sur le système dopaminergique. Lequel est à l’origine de nombre des attitudes de l’animal et de l’homme. Générateur de tension dans nos relations avec les autres, le tabagisme pourrait aussi être à l'origine d’autres troubles comportementaux.