Le saturnisme : une intoxication au plomb
Le saturnisme est une maladie qui existe depuis plusieurs millénaires. Il s'agissait même de l'un des principaux problèmes de santé publique sous l'empire romain. Le saturnisme est caractérisé par la présence excessive de plomb dans l'organisme suite à une intoxication aiguë ou chronique.
Qu'est-ce que le saturnisme ?
Le plomb pénètre dans le corps principalement par ingestions et plus rarement par inhalation. Il se fixe d'abord sur les globules rouges, puis dans certains organes et même dans les os.
Le plomb a toujours des effets toxiques sur l'organisme, même à de très faibles doses. À cause de cette toxicité, les autorités sanitaires ont décidé de rabaisser le seuil de diagnostic du saturnisme. Aujourd'hui, on parle de saturnisme dès 50 microgrammes de plomb par litre de sang contre 100 microgrammes auparavant.
Les effets du plomb sur l'organisme. Chez les adultes, le plomb (métal lourd) entraîne :
- un risque d'hypertension artérielle, même à moins de 50 microgrammes par litre de sang
- une diminution du nombre de spermatozoïdes chez les hommes entre 100 et 200 microgrammes
- des maladies rénales au dessus de 400 microgrammes
- un risque d'encéphalopathies sévères et de décès au dessus de 2.000 microgrammes.
Chez les enfants, le plomb est encore plus toxique, surtout chez les plus petits entre 0 et 6 ans. Il peut entraîner :
- des troubles cognitifs même en dessous du seuil de 50 microgrammes si le plomb reste longtemps dans l'organisme
- un retard pubertaire entre 50 et 100 microgrammes
- des anémies au dessus de 700 microgrammes
- un risque d'encéphalopathies sévères et de décès comme pour les adultes, mais dès 1.000 microgrammes (contre 2.000 chez l'adulte)
Le plomb traverse également la barrière placentaire. Le foetus n'est donc pas protégé.
Le saturnisme : une maladie favorisée par la précarité
En France, en 1996, près de 85.000 enfants âgés de 1 à 6 ans étaient concernés par une intoxication au plomb. Grâce à différentes mesures comme le remplacement de la canalisation au plomb, la suppression de l'essence au plomb, le contrôle des émissions industrielles ou des politiques sociales, le nombre de cas de saturnisme a diminué.
En 2013, près de 430 enfants ont été dépistés avec une plombémie entre 50 et 99 microgrammes et 210 avec plus de 100 microgrammes de plomb dans l'organisme. En intégrant l'organisme, le plomb intoxique les cellules du cerveau et cause des troubles neurologiques.
La vétusté des logements augmente considérablement le risque de contamination au plomb. Les peintures anciennes, présentes dans les immeubles construits avant 1949, recèlent de ce métal toxique. Mêmes recouvertes, elles s'effritent et forment des craquelures et des poussières facilement ingérables par les plus petits. Les logements précaires peuvent aussi abriter des tuyaux en plomb, qui contaminent l'eau...
Les Bouches-du-Rhône sont particulièrement touchées par le saturnisme. Le problème vient le plus souvent de logements indignes où les enfants risquent de s'intoxiquer. Lorsqu'un cas de saturnisme est identifié, l'Agence régionale de santé mène une enquête pour connaître la source de l'intoxication. Le propriétaire d'un logement où un enfant est exposé au plomb dispose au maximum de trois mois pour effectuer des travaux.
Pour savoir si votre logement contient du plomb, vous pouvez consulter le constat de risque d'exposition au plomb. Il est obligatoire depuis 2008 et il doit être joint à tout contrat de vente ou de location d'un logement.
La prise en charge du saturnisme
Le saturnisme est une maladie à déclaration obligatoire. Lorsqu'un cas est identifié, une enquête doit déterminer la source de l'intoxication. S'il s'agit du logement, le préfet demande au propriétaire d'effectuer les travaux. En parallèle, l'enfant doit être pris en charge.
Pour poser le diagnostic, le pédiatre procède à un examen classique. Généralement, ce ne sont pas les signes cliniques qui permettent de suspecter le saturnisme. "L'examen clinique des enfants par rapport au saturnisme reste un examen pédiatrique standard. À l'examen clinique, on peut retrouver des enfants anémiques souvent par manque de fer, mais associé au saturnisme. Ensuite, pendant la consultation, on va observer si l'enfant a un comportement suspect, s'il est agité, s'il alterne des périodes où il est agité et où il est apathique", explique le Dr Rémi Laporte, pédiatre. Certains comportements des enfants peuvent aussi favoriser le saturnisme. C'est le cas du pica, la manie de tout mettre à la bouche.
Après la mesure de plombémie, les sources de l'intoxication dans le logement sont identifiées. Et en attendant les travaux, des mesures peuvent être mises en place pour éviter que l'enfant n'avale du plomb. Quand le taux de plomb dans le sang est bas, le médecin peut prescrire un peu de fer et de calcium pour empêcher que l'intestin absorbe du plomb au cas où l'enfant y est exposé.
Dans les cas les plus graves, les médecins peuvent décider de faire une chélation. Il s'agit de donner au patient des médicaments qui fixent le plomb présent dans le sang et certains tissus et qui vont favoriser son élimination par les reins. Ces cures sont assez rares, et doivent être réservées à ces cas d'intoxication avérées.
Que faire en cas d'intoxication au plomb ?
Il existe deux façons pour savoir si on est exposé au plomb :
- par un bilan sanguin : certains scientifiques plaident pour qu'un "profil métallique" soit réalisé et pris en charge par la Sécurité sociale compte-tenu des conséquences de l'intoxication au plomb
- par un constat de risque d'exposition au plomb (le CREP) : une nouvelle législation fait obligation de fournir ce constat pour les logements construits avant 1949
Une enquête de 2010 auprès de 81 généralistes en région parisienne a permis de déterminer les symptômes les plus courants du saturnisme, à savoir des douleurs abdominales (100%), l'asthénie (98%), le retard mental (75%) et les céphalées (97%). Ces signes ne sont pas très spécifiques, le dialogue médical est donc essentiel en présence de ces symptômes pour aller jusqu'à la cause.
Comment agir ?
Tout d'abord, il faut cesser immédiatement l'exposition au plomb. Ensuite, il existe des traitements assez complexes qui visent notamment à éliminer le plomb dans le corps humain ou à le rendre inactif.
Le saturnisme est une maladie à déclaration obligatoire. Le médecin qui identifie un cas de saturnisme doit le signaler à l'autorité sanitaire. Aujourd'hui, il s'agit de l'Agence régionale de santé. Cette agence diligente une enquête dans l'environnement de l'enfant, car bien souvent c'est un immeuble ou plusieurs immeubles qui sont potentiellement concernés. Le résultat de l'enquête est ensuite transmis au préfet. Le préfet peut, dans le cas où les taux constatés sont supérieurs à la valeur légale, mettre le propriétaire de l'immeuble en demeure d'effectuer les travaux. Et si le propriétaire n'effectue pas les travaux, c'est l'Etat qui agit d'autorité en relogeant les locataires et en faisant réaliser les travaux aux frais du propriétaire.
Comment un propriétaire peut-il savoir si son logement est dangereux ?
Si on est propriétaire d'un logement ancien, il faut réaliser le constat de risque d'exposition au plomb (CREP). En outre, la loi Touraine du 26 janvier 2016 a rendu ce CREP obligatoire avant toute location ou toute vente d'un bien antérieur au 1er janvier 1949. Son absence en cas d'exposition au plomb constatée après la location ou la vente engage la responsabilité du vendeur ou du bailleur. C'est un cas de nullité de la vente ou de révision du prix.
Des associations se sont mobilisées sur le sujet. L'Association française des victimes du saturnisme a réalisé un très bon film intitulé "Notre plomb quotidien" ainsi que des brochures d'informations. On obtient aussi très aisément des informations très solides en consultant leur site Internet ou en appelant l'association.