Covid : pourquoi nous ne pouvons pas compter sur l’immunité collective

L’idée de laisser le coronavirus circuler librement pour atteindre une immunité collective est séduisante. Mais en pratique, le taux de mortalité élevé du virus et les cas de réinfections compliquent la donne.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / blvdone

Faut-il laisser le coronavirus circuler librement pour atteindre une immunité collective ? Si cette stratégie est parfois présentée comme un motif d'espoir et un moyen d'éviter des confinements généralisés, elle pose plusieurs problèmes. Pour Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), cette idée "contraire à l’éthique […] n’est pas une option".

Seulement 10% de contaminés

Le principe de cette immunité est simple : attendre qu'une certaine proportion de la population – communément 60 à 70% – soit touchée pour que l'épidémie s'arrête d'elle-même, faute de victimes à frapper. Mais le calcul est dangereux. Car pour l’heure, après plusieurs mois de pandémie, l'OMS rapporte que seulement 10% de la population pourrait avoir été contaminée par le virus dans la plupart des pays.

Des milliards de personnes restent donc en théorie à la merci d'un virus plus dangereux, plus contagieux et plus létal que la grippe saisonnière : 0,6% de mortalité estimée pour le SARS-CoV-2, contre environ 0,1% pour la grippe.

Un nombre de décès considérable

Les défenseurs de l’immunité collective contestent ce palier de 60 à 70%. Mais même "en poussant les statistiques, en tenant compte [d’une autre immunité dite cellulaire], du fait que les gens ne s’infectent pas tous pareil, que les populations âgées ont moins de risques de s'infecter parce qu’elles se protègent plus", on arrive "à faire descendre les pourcentages jusqu’à 50%, pas en-dessous", explique à l’AFP Frédéric Altare, spécialiste de l’immunité à l’Inserm.

Tout en notant qu'atteindre ce seuil se solderait par un nombre de décès considérable. D’autant qu’en France comme dans la majorité des pays, le système hospitalier ne dispose pas des capacités suffisantes pour gérer un tel afflux de malades.

Le (mauvais) exemple de la Suède

Cela n’a pas dissuadé la Suède d’essayer cette stratégie au début de l’épidémie. Ce pays de 10 millions d’habitants a refusé d’imposer le port du masque, de confiner sa population et de fermer écoles, bars et restaurants. Mais elle semble désormais rattrapée par la pandémie et compte dix fois plus de décès que ses voisins, la Norvège et la Finlande. Rapportée à sa population, la mortalité du covid est même parmi les 15 plus élevées au monde, selon les données de l'université américaine Johns Hopkins.

Une immunité collective par la vaccination ?

Mais si on ne peut pas miser sur une immunité collective acquise naturellement, peut-on espérer atteindre l’immunité de groupe acquise par la vaccination ? Ici encore l’idée est séduisante, "sous réserve qu’il y ait un jour un vaccin", commente le professeur Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) invité le 19 octobre sur le plateau du Magazine de la Santé.

Deuxième condition : qu’une grande proportion de la population se fasse vacciner. A titre d’exemple, il faut pour la poliomyélite que 80% de la population soit vaccinée pour que les 20% restant soient protégés. Pour la variole, ce taux doit être de 95%. Rien n’est moins sûr en France, championne du monde des anti-vaccins. Un récent sondage Ipsos1 révélait ainsi que seulement 59% des Français se feraient vacciner contre la covid si un vaccin était disponible, contre 74% à l’échelle mondiale.

"L’immunité collective n’a aucun sens si on peut se réinfecter"

Dernier problème, et non des moindres : contaminé ne veut pas forcément dire immunisé. Les scientifiques ne savent en effet pas combien de temps dure l'immunité contre le coronavirus. Pire, ils sont désormais certains qu’une réinfection est possible. "Les cas de réinfection remettent en cause le fondement même de l’immunité collective et nous inquiètent beaucoup" réagit le professeur Caumes. "Parler d’immunité collective n’a aucun sens si on peut se réinfecter", poursuit-il.

"Mais ça n’a aucun sens non plus pour un vaccin", pour lequel des rappels réguliers pourraient alors être nécessaires. L’espoir, pour le professeur Eric Caumes, repose plutôt sur un traitement curatif, qu’il faudrait mettre au point "le plus rapidement possible".

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1Sondage Ipsos publié le 1er septembre 2020 réalisé entre le 24 juillet et le 7 août 2020 auprès de 19.519 adultes à travers 27 pays.