Des médecins s'opposent au changement de statut des sages-femmes
Selon plusieurs syndicats de praticiens hospitaliers et de gynécologues obstétriciens, "l'évolution du statut des sages-femmes vers davantage d'autonomie" risquerait de "déstructurer" les salles d'accouchement et de "mettre en danger" les patientes. Leurs argumentaires ont fait l'objet de deux communiqués distincts, diffusés le 21 janvier 2014 à la veille d'une nouvelle réunion ministérielle sur le statut des sages-femmes. Les représentants des sages-femmes ont pour leur part dénoncé l’"ultra-corporatisme" et l'"anti-déontologie" de ces syndicats.
Les sages-femmes sont en grève depuis le 16 octobre à l'appel d'un collectif, qui demande que les professionnelles exerçant à l'hôpital puissent sortir de la fonction publique et obtenir un statut de praticien hospitalier sur le modèle des médecins (voir encadré).
Le "déficit de reconnaissance des sages-femmes doit être entendu rapidement, car ce mouvement génère notamment dans les salles d'accouchement des tensions délétères pour l'ensemble des professions qui les côtoient, et à terme pour les femmes", admettent cinq intersyndicales de praticiens hospitaliers (SNAM-HP, INPH, CPH, CMH, Avenir Hospitalier) dans un communiqué.
"Déstructuration des équipes"
"Pour autant, nous alertons les pouvoirs publics sur les conséquences de déstructuration des équipes actuellement engagées auprès des femmes, et de l'équilibre actuel centré sur le pluri-professionnel et la complémentarité. Un accouchement dit physiologique devient rapidement à risque, et c'est le rassemblement d'équipes soudées autour de protocoles partagés qui permet de maintenir la sécurité des parturientes."
Les intersyndicales mettent également en garde "l'ensemble des sages-femmes et les pouvoirs publics sur l'aventurisme qui consisterait pour elles à sortir de la fonction publique hospitalière, pour se diriger vers un statut de praticien hospitalier".
De son côté, le syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof) "entend alerter les pouvoirs publics sur les conséquences des dérapages dans la pratique de certaines sages-femmes".
"L'autonomisation des sages-femmes, portée par le climat d'effervescence actuel, ne peut se faire au péril des patientes. C'est pourtant le cas si les sages-femmes dévient vers le suivi gynécologique au-delà de la physiologie à laquelle se limitent leurs compétences", estime le syndicat.
Selon lui, "de différentes régions remontent des accidents, par exemple après pose inadéquate de stérilet, non diagnostiquée par les sages-femmes".
L'information sur les compétences des sages-femmes ne doit pas laisser croire qu'elles "peuvent en toute sécurité, assurer le suivi gynécologique au même titre que les docteurs en médecine", pointe encore le Syngof.
Réactions des sages-femmes
"C'est pitoyable et désolant", a réagi auprès de l'AFP Caroline Raquin, présidente de l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes et membre du collectif à l'origine de la grève.
"Ca nous semblait évident de travailler tous ensemble (pour faire évoluer le statut des sages-femmes), mais on dirait que le parcours de santé de la femme est un gros gâteau et surtout que les sages-femmes ne doivent pas s'occuper des femmes", a-t-elle ajouté, regrettant l'"ultra-corporatisme" et l'"anti-déontologie" des gynécologues.
"Les femmes sont en meilleure santé dans les pays d'Europe" où elles sont davantage suivies par des sages-femmes, a-t-elle affirmé.
Les sages-femmes sont en grève depuis plus de trois mois mais sont assignées et travaillent pour prendre en charge normalement les patients.
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Actuellement, les sages femmes dépendent du statut de la fonction publique hospitalière, "qui concerne les professionnels non-médicaux (comme les soignants paramédicaux ou les personnels administratifs de l’hôpital)", expliquait Myriam Kheniche, sage-femme, dans le "Magazine de la santé" le 16 décembre 2013. "Nous demandons [...] un réel statut à l'hôpital, au même titre que les autres professions médicales. Ce statut nous permettrait de pouvoir diriger des filières et de faire de la recherche."