Insurrection bactérienne au plus petit changement de régime
Un changement brusque de régime modifie la composition de notre flore intestinale en moins de vingt-quatre heures, selon des travaux étasuniens publiés le 11 décembre 2013, dans la revue Nature.
Notre alimentation influe très fortement la composition et l'activité de notre flore intestinale (les milliers de milliards de micro-organismes qui résident dans nos intestins). Toutefois, les biologistes ignoraient jusqu'à présent le temps mis par les différentes bactéries pour réagir aux changements imposées par nos variations alimentaires. Quelques semaines ? Quelques jours ?
Une expérience réalisée au début de l'année 2013 aux Etats-Unis, dont un compte-rendu vient d'être publié dans la revue Nature, démontre que les populations bactériennes ne perdent pas tant de temps.
Dix volontaires (dont un végétarien) ont été invités à modifier drastiquement leurs habitudes alimentaires durant plusieurs semaines. Une partie d'entre eux fut astreinte aux repas riches en œufs, viande et fromage, l'autre profitant de fruits, légumes et de fibres.
Chaque jour, les scientifiques ont analysé les excréments produits par leurs cobayes afin de déduire la proportion globale des différentes espèces de bactéries peuplant leurs intestins.
Le constat est surprenant : tout changement de régime alimentaire entraîne en moins de vingt-quatre heures un changement de régime politique : dehors, les bactéries qui ne peuvent pas trouver leur pitance dans l'alimentation humaine ! Voici venu le règne des bactéries laissées pour compte, qui se multiplient déjà pour profiter de l'aubaine !
"Le régime alimentaire d'origine animale a augmenté l'abondance de micro-organismes tolérants aux sécrétions biliaires (bactéries de type Alistipes, Bilophila et Bacteroides) et a diminué les niveaux de [bactéries capables de métaboliser les sucres] issus de l'alimentation végétale", détaillent les chercheurs.
Certaines révolutions (et pas seulement celles des planètes) s'achèvent par un retour au point de départ... Un retour à l'alimentation habituelle des volontaires a entièrement restauré, sans délai, la composition intiale de leur flore intestinale.
Selon les auteurs de ces travaux, la rapidité des changements observés pourrait être mise à profit dans le traitement de certaines pathologies, la population microbienne de nos intestins ayant des effets importants sur notre santé.
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(1) Selon les chercheurs, l’augmentation, en activité et en nombre, d’une de ces bactéries (Bilophila wadsworthia) apporte un argument supplémentaire quant à l’existence d’un lien entre consommation de graisses alimentaires, production d’acides biliaires et développement de micro-organismes capables de déclencher des réactions inflammatoires de l'intestin.
Source : Diet rapidly and reproducibly alters the human gut microbiome L.A. David et coll. Nature. 11 déc. 2013 doi:10.1038/nature12820
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Chacun de nous en abrite des milliers de milliards de bactéries dans son intestin (mais également des champignons et des virus). Les biologistes estime que notre corps contient dix fois plus de bactéries que de cellules humaines. Au total, cela représente une masse d'environ 1,5 kg.