VIH : pour une utilisation préventive des antirétroviraux aux Etats-Unis
Face au manque de résultats dans la lutte contre le sida aux Etats-Unis, les autorités sanitaires américaines recommandent l'utilisation d'antirétroviraux de façon préventive pour tous les groupes à risques, notamment les hommes homosexuels.
Cette nouvelle initiative des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), dévoilée cette semaine sur leur site Internet, pourrait si elle était largement suivie par les médecins et les personnes concernées entraîner une très forte augmentation des ordonnances pour le Truvada®.
Qui est concerné par cette mesure de prévention ?
Discutée aux Etats-Unis, elle concerne directement les individus susceptibles d'attraper le virus du VIH, à l'origine du sida. Les nouvelles directives des CDC visent essentiellement quatre groupes : les hommes homosexuels qui ont des relations sans préservatifs ; les hétérosexuels ayant des partenaires à haut risque, comme des utilisateurs de drogues injectées ; les hommes bisexuels ayant des rapports non protégés ; ainsi que toute personne qui a des relations sexuelles régulièrement avec des partenaires dont la séropositivité est connue. Enfin, quiconque qui partage des seringues et s'injecte de la drogue.
Le Truvada® sur toutes les ordonnances
Médicament de référence dans la prévention du VIH aux Etats-Unis, le Truvada® risque d'être prescrit en masse dans le cadre de ce plan d'action, selon les autorités sanitaires américaines.
Fabriqué par le laboratoire Gilead Sciences et autorisé dans le cadre d'une approche préventive appelée PrEP (pre-exposure prophylaxis), le Truvada® est composé de deux antirétroviraux déjà commercialisés séparément. Pour bénéficier de cette campagne de prévention, les CDC recommandent de réaliser un test de dépistage avant de commencer le traitement et tous les trois mois ensuite.
Selon les CDC, jusqu'à 500.000 Américains pourraient bénéficier de ce traitement contre seulement 10.000 actuellement. Les assurances maladies le prendront en charge.
Utilisation des antirétroviraux à titre préventif : réactions
Reste à voir si les individus pour qui cette méthode est déployée se lanceront dans un traitement préventif de peur de contracter le virus du sida.
"Rien ne garantit que ces recommandations en faveur de cet antirétroviral soient suivies par les groupes concernés", reconnaissent les autorités sanitaires américaines. Alors que "l'usage des préservatifs, notamment chez les hommes homosexuels, diminue", les CDC ne peuvent que faire valoir leur autorité dans l'espoir de réduire le nombre de nouvelles infections, inchangé depuis vingt ans.
"Je pense que ces directives des CDC sont une bonne idée (...) car nous avons besoin de toutes les formes de prévention possible, et ce médicament est très efficace", a jugé le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national de l'allergie et des maladies infectieuses (NIAID) dans un entretien avec l'AFP.
A l'opposé, la fondation AIDS Healthcare, plus grande ONG américaine de soins médicaux pour les personnes porteuses du sida, s'oppose fermement à cette initiative des CDC, craignant une "diminution de l'usage des préservatifs", déjà en recul, ainsi qu'une augmentation "d'autres maladies vénériennes comme la syphilis" qui connaît une forte résurgence.
Et en France ?
En France, l'association de lutte contre le sida Aides avait demandé à l'Agence du médicament (ANSM), en janvier 2013, d'accorder une autorisation temporaire d'utilisation au Truvada® comme traitement préventif du sida chez les personnes à risques.
A ce jour, l'organisation n'a pas vu de suites à sa demande, mais "le Conseil national du sida (CNS) et le groupe d'experts français sur la prise en charge du VIH se sont dits favorables à la mise à disposition de ce nouvel outil de prévention" selon Guillemette Quatremère, chargée de mission à la Mission Innovation Recherche Expérimentation (MIRE) à AIDES, dans une interview publiée le mercredi 14 mai sur le site Seronet.info. "Le traitement au prix actuel du Truvada® pour un mois de prévention coûterait environ 500 euros, mais on ne sait pas encore quel sera le montant à la charge des personnes qui bénéficieront de la PreP. Pour la collectivité, la PreP a un coût, mais il reste inférieur à celui d'un traitement à vie pour une personne qui s'infecterait par le VIH", souligne-t-elle.
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PreEP (prophylaxie pré-exposition) : prise de médicament anti-VIH par des séronégatifs dans un but préventif. "Dans le cas du VIH, il s'agit, en bloquant le cycle de multiplication du virus, d'empêcher qu'il infecte l'organisme." (Aides.org).
Autorisée aux Etats-Unis en juillet 2012, cette méthode n'a pas encore été validée en France. Deux avis ont été remis à la ministre de la Santé en début d'année.