L'isolement social entraîne le même état de manque que la privation de nourriture
L’absence de contacts sociaux aurait le même impact sur le cerveau qu’une privation de nourriture, selon une nouvelle étude. Des résultats qui pourraient aider les scientifiques à mieux gérer les effets négatifs des confinements.
Moins de contact physique, des visioconférences plutôt que des conférences et des appels téléphoniques plutôt que des visites. Les confinements et restrictions mis en place à l’échelle mondiale depuis le début de l’épidémie de coronavirus ont drastiquement réduit nos interactions sociales.
Pour une équipe de chercheurs en sciences cognitives au MIT (États-Unis), un tel isolement social déclenche dans le cerveau le même effet de manque qu’une privation de nourriture. Ils publient leur étude le 23 novembre dans la revue Nature Neuroscience.
A lire aussi : Comment la crise sanitaire a aggravé l’isolement des personnes handicapées
10 heures dans une pièce sans fenêtre
Ces chercheurs ont mené une expérience simple : ils ont recruté 40 volontaires en bonne santé et les ont isolés pendant 10 heures dans une pièce sans fenêtre et sans aucun contact.
Puis, au cours d’une autre journée, chacun des 40 participants a également suivi un jeûne de 10 heures.
A l’issue de ces deux journées d’isolement ou de jeûne, chaque participant a réalisé une IRM cérébrale. Pour éviter tout contact social, les participants avaient été formés à s’installer tout seul dans l’IRM.
Pendant la prise d’images cérébrales, les volontaires étaient soumis à des images de nourriture, des images de personnes en train d’interagir et des images neutres, comme des fleurs. Les chercheurs se sont focalisés sur une région du cerveau appelée substantia nigra, déjà associées au sentiment de "craving", cette envie compulsive qui s’exprime en cas de manque de drogue ou de nourriture.
Interactions sociales ou assiette de pâtes, même effet
Résultat : après une journée d’isolement total, la simple vision de personnes s’amusant ensemble active la substantia nigra de la même façon que lorsqu’une personne qui n’a pas mangé de la journée voit l’image d’une assiette de pâtes au fromage.
Mieux, le degré d'activation de cette zone du cerveau était corrélé à l’intensité avec laquelle les patients évaluaient leur besoin de nourriture ou d'interaction sociale.
Et plus la personne avait une vie sociale active avant l’isolement, plus son état de manque était grand.
Mieux gérer les effets des confinements
Ces résultats confirment que "les interactions sociales positives sont un besoin humain fondamental, et la solitude aiguë est un état d'aversion qui motive les gens à réparer ce qui manque, comme la faim", déclare dans un communiqué du MIT Rebecca Saxe, professeure en sciences cognitives et co-autrice de l’étude.
Si ces recherches s’appuient sur des données recueillies en 2018 et 2019, elles prennent un sens particulier à l’aune de la pandémie de coronavirus et des mesures de distanciation sociale. Car les chercheurs savent maintenant observer les effets de l’isolement sur l’activité cérébrale et peuvent tenter de répondre à de nouvelles questions : comment l’isolement social affecte-t-il les comportements ?
Les contacts sociaux virtuels atténuent-ils le manque ? Comment l’isolement affecte-t-il les différents groupes d’âge ? Autant de réponses qui seront utiles pour mieux prendre en charge les conséquences mentales des confinements imposés par l’épidémie de covid.