PMA : comment les Françaises détournent-elles la loi ?
Le projet de loi permettant la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires sera débattu début septembre à l'Assemblée nationale. "La société est prête", c'est le mot d’ordre du gouvernement pour défendre le projet de loi de bioéthique.
La PMA pour toutes les femmes, c’était une promesse de campagne du candidat Macron. Voici le tweet d’Emmanuel Macron de février 2017 :
"Le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable".
Le projet de loi sur la bioéthique, qui contient l’extension de la PMA à toutes les femmes, a été présenté en Conseil des ministres fin juillet et sera débattu à l’Assemblée nationale dans quelques jours septembre.
La Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour toutes les femmes, c’est-à-dire les couples de femmes et les femmes seules, est peut-être pour bientôt en France. Cela fait des années, depuis la fin des années 90, que c’est une revendication notamment dans la communauté LGBT, il y a une vraie attente de la part des femmes, des associations, et aussi des médecins.
La PMA, légale en France pour les couples hétérosexuels
En France, la PMA est autorisée depuis la loi de 1994 pour les couples hétérosexuels infertiles ou si l’un des deux est porteur d’une maladie grave susceptible d’être transmise à l’enfant ou au conjoint. Quand on parle de procréation médicalement assistée, on parle des techniques médicales qui permettent la procréation, principalement l’insémination artificielle et la Fécondation In Vitro.
On estime qu'environ 1 enfant sur 30 naît grâce à la PMA chaque année en France, ça représente autour de 25 000 naissances. Soit environ 3% des naissances. Mais il y a beaucoup plus de tentatives, donc le recours à la PMA est courant en France.
PMA pour toutes, pourtant déjà une réalité
De nombreuses femmes lesbiennes ou célibataires ont recours à la PMA pour avoir un enfant. C’est pourquoi il y a une certaine hypocrisie dans le fait que ce ne soit pas encore légal en France alors qu’on sait que de nombreuses femmes depuis des années vont à l’étranger pour avoir recours à la PMA avec don de sperme.
En vert, ce sont les 11 pays européens qui autorisent la PMA à toutes les femmes, par exemple : le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Portugal...
On estime que 2000 à 3000 Françaises se rendent chaque année à l’étranger pour avoir accès à une PMA, principalement en Belgique et en Espagne.
La PMA à l'étranger un problème pour la santé des femmes ?
Il n’y a pas de problème de qualité des soins si on va en Belgique ou en Espagne. Souvent l’accueil se fait en français, les médecins parlent français. Mais une PMA c’est vraiment un parcours médical compliqué, contraignant, qui peut être long, déjà en France pour un couple hétérosexuel, mais quand c’est à l’étranger, c’est le parcours du combattant !
- RDV dans la clinique donc un 1er déplacement.
- Une batterie d’examens à réaliser.
- Stimulation des ovaires qui sont des piqûres d’hormones à faire tous les jours. Avec des échographies, des prises de sang tous les deux jours, il faut envoyer les résultats à la clinique donc en Espagne ou en Belgique.
- La clinique vous appelle quand c'est le bon moment, il faut y aller dans les 48h donc concrètement il faut s’arranger avec son employeur, poser des jours, à la dernière minute.
- Repartir pour la ponction d’ovocytes sous anesthésie locale ou générale.
- Dernière étape, l'insémination et quelques jours plus tard le transfert des embryons dans l’utérus.
C’est assez donc assez lourd, cela peut-être stressant, et tout ce parcours va avoir lieu généralement plusieurs fois puisqu’il faut souvent plusieurs tentatives pour aboutir à une grossesse. Pendant tout ce parcours, il n’y a pas d’arrêt maladie puisque vous faites quelque chose qui n’est pas légal en France.
Si la PMA était autorisée pour toutes les femmes en France, cela permettrait aux femmes de vivre cela avec plus de sérénité. C’est aussi plus sécurisant d’être suivie pas très loin de chez soi, si on a une question, un problème, plutôt qu’à plusieurs centaines de kilomètres. Devoir faire tout ça à l’étranger, c’est vraiment vécu comme une injustice par les femmes.
Un coût financier
En plus d’être une épreuve longue et difficile, c'est un coût important puisque tout ça n’est pas dans un parcours légal, il n’y a donc pas de prise en charge. Si on additionne vraiment tout, ce qui est médical, le transport, l’hébergement… On arrive à environ 10 000 euros, à chaque tentative, c’est un budget important, tout le monde ne peut pas se payer une PMA à l’étranger. C'est aussi vécu comme une injustice puisque pour les couples hétérosexuels, la PMA est prise en charge à 100%, avec un âge limite à 43 ans pour la femme. D’ailleurs Agnès Buzyn, la ministre de la santé, est favorable au remboursement par la Sécurité sociale de la PMA pour toutes, si la loi est adoptée.
À cause de ce coût, des femmes qui n’ont pas les moyens vont sur un marché parallèle, sur internet pour acheter des médicaments, trouver un donneur. Elles se retrouvent seules, hors cadre médical, et là ça peut être dangereux.
En France, des médecins aident les femmes pour des PMA
Certains médecins généralistes et gynécologues conciliants acceptent de prescrire une partie ou la totalité des traitements et des examens médicaux, pour une PMA qui aura lieu à l’étranger. Ce qui permet de faire une partie de son parcours médical en France et de faire baisser la facture puisque s’il y a une ordonnance, il y a une prise en charge. En ville ce n’est pas très difficile de trouver un médecin qui accepte. Même si ce n’est pas légal.
Certains gynécologues vont beaucoup plus loin et acceptent même de faire les inséminations en France. On peut par exemple acheter du sperme à une banque au Danemark, qui propose de mettre en relation les clientes avec des médecins en France, à Paris, qui pratiqueront l’insémination. Ce qui est complètement illégal mais c’est quand même plus rare.
Ces gynécologues font souvent ça par militantisme. Parce que pour eux, il est aberrant qu’en France aujourd’hui, toutes les femmes n’aient pas accès à la PMA. D’ailleurs ils prennent des risques. Ils encourent jusqu’à 5 ans de prison, 75 000 euros d’amende, et le risque d’être radié de l’Ordre des médecins.
Ces médecins font eux même le parallèle, un peu provocateur, avec la pratique des avortements quand l’IVG n’était pas légale en France pour aider les femmes. Et d’ailleurs ce sont parfois les mêmes médecins.
Si la loi était adoptée...
Autoriser la PMA pour toutes en France, permettrait d’éviter que les femmes mettent leur santé en danger, d’éviter que des médecins se mettent dans l’illégalité. Beaucoup de femmes refusent d’aller à l’étranger, car elles estiment qu’elles devraient avoir le droit d’avoir un enfant dans leur pays. La société évolue, les modèles familiaux changent, la médecine progresse, donc il faut que la loi s’adapte. Il y a beaucoup d’espoir pour de nombreuses femmes qui, espèrent, que le gouvernement fera preuve de courage sur ce sujet-là, même si les débats deviennent vifs.
On en saura plus dans les prochains mois, c'est une affaire à suivre...