Chloroquine : pourquoi une partie de la communauté scientifique reste-t-elle méfiante ?
Le Professeur Didier Raoult, infectiologue à Marseille, vient de publier les résultats selon lui « spectaculaires » de son essai clinique sur la chloroquine. Mais son étude divise la communauté médicale.
Testé initialement in vitro par les Chinois, la chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine, un médicament antipaludéen, semblerait apporter des résultats prometteurs pour lutter contre le coronavirus. C’est en tout cas ce que révèle l’essai clinique, mené par le Professeur Didier Raoult à Marseille. Depuis ce week-end, il propose ce traitement à tous les patients Covid traités dans son institut, en association avec un antibiotique l’azythromycine.
"Une mauvaise étude d'une équipe pourtant excellente"
Cette étude a suscité un emballement médiatique sans précédent mais pour la communauté scientifique, elle suscite de la prudence voire de l’agacement. « Tout le monde a retenu la communication outrancière sur tous les réseaux sociaux du Professeur Raoult (…) C’est une mauvaise publication d’une équipe qui est pourtant excellente, dans un journal où l’un des signataires de l’article est rédacteur en chef de la revue dans lequel il publie. Si c’est pas un biais ça ! » Ces propos tenus par le Professeur Gilles Pialoux, chef du service d’infectiologie à l’hôpital Tenon à Paris, sont partagés par une majeure partie des médecins.
Ils craignent des dérives, qui ont déjà vu le jour : vols des stocks d’hydroxychloroquine à l’hôpital, prescription de ce médicament par certains généralistes ou encore, des millions de boîtes commandés par Donald Trump, au risque de déstabiliser tout le système. Il faut le rappeler, la chloroquine est un médicament nécessaire et efficace pour beaucoup de patients dans le traitement de d’autres pathologies comme le lupus par exemple. Ils risquent donc de se retrouver prochainement sans traitement.
Des effets secondaires importants
Cette publication semble présenter plusieurs problèmes. Elle porte tout d’abord sur un tout petit nombre de patients, soit 42, avant de tomber à 36 après avoir exclu 6 malades (décédés, en soins intensifs ou sujet à des effets indésirables du traitement). « Ils ont été exclus de l’analyse alors qu’ils auraient dû être inclus comme des échecs », selon le pr Pialloux. Pour s’assurer de l’efficacité réelle de la chloroquine, il faudrait également la tester sur une centaine de patients.
L’autre problème repose sur les effets secondaires de ce traitement. Ils sont nombreux et peuvent être graves. L’automédication peut dans ce cas, entraîner de lourdes complications, notamment sur le plan cardiaque, oculaire, neuro-musculaire et peut aussi causer des malformations foetales. Des médicaments déjà existants pour d’autres maladies sont également en évaluation. Un essai clinique européen a d’ailleurs démarré ce dimanche. Il a pour but d’évaluer 4 traitements expérimentaux contre le Covid-19. 3 200 patients sont concernés par cet essai.