Une consultation "spéciale médecins"
On dit souvent que les cordonniers sont les plus mal chaussés... Et ce proverbe pourrait bien s'appliquer aussi... aux médecins : 90% des soignants, en effet, n'ont pas déclaré de médecin traitant. S'il n'existe pas de médecine du travail pour les médecins libéraux, les blouses blanches salariées ne consultent pas non plus. A Nîmes, un médecin a donc créé une consultation dédiée aux soignants.
"Je suis mon propre médecin traitant" ; "j’ai un médecin traitant déclaré, mais que je n'ai jamais vu" ; "mon médecin, c'est ma femme, qui est gynécologue"... Ces propos surprenants sont ceux de médecins : seuls 10% des blouses blanches ont déclaré un médecin traitant. Alors pour inciter les soignants à se soigner, le Dr Marc Garcia a créé une consultation qui leur est dédiée.
Il commence par rassurer ses patients un peu sur la défensive : "Le but du jeu, c'est que vous vous disiez « je suis en consultation avec mon confrère, je suis là pour moi, je prends le temps. » Ce que je vous demanderai ici, c’est de vivre cette consultation comme un moment pour vous. On pose les valises, on essaie d'oublier qu'on est médecin, on se confie à l'autre et on avance".
Dans cette maison de garde du CHU de Nîmes, les consultations sont anonymes et ouvertes à tous les médecins. Un climat de confiance apprécié. "C'est toujours compliqué de se mettre de l'autre côté du bureau", reconnaît le Dr David Costa, lui-même médecin généraliste. "Difficile de se livrer complètement, de dire des choses intimes. Cela fait partie du fait de prendre soin de soi. On est censé avoir le savoir, donc on se dit qu'on va se soigner tout seul et que ça ira bien".
L'auto-diagnostic et l'auto-prescription sont deux pratiques courantes chez les médecins. Alors forcément, le moment de l’auscultation par un autre confrère n'est pas naturel. Pas facile de se voir allongé et ausculté !
Prévenir le burn-out
Cette consultation dédiée aux soignants n’a pas vocation à devenir une consultation de médecine du travail, mais plutôt à faire de la prévention. Le but : éviter les burn out ou des situations encore plus dramatiques. "Certains collègues sont en perdition", explique le Dr Patrick Dutilleul, médecin généraliste. "C'est tragique pour eux, mais aussi pour les patients puisque c'est un médecin qui n'est plus capable d'exercer... Si on pouvait éviter ce genre de situation, intervenir avant, c'est sûr que ça serait bénéfique pour tout le monde".
Mais pour les médecins, consulter peut être ressenti comme un aveu de faiblesse. Depuis la mise en place de l'expérimentation au mois de juin 2015, seule une dizaine de médecins a fait appel à cette consultation. Le changement de mentalités risque de prendre du temps.