Revenge Porn : les femmes, premières victimes
C'est un sujet dont on parle beaucoup depuis l’affaire Benjamin Griveaux : le "revenge porn" ou pornodivulgation en français, une pratique dont les victimes sont surtout des femmes. Qu'est-ce que le revenge porn ? Que faire quand on en est victime ?
Le "Revenge Porn" traduit par "vengeance pornographique", est le fait d’utiliser des photos, des vidéos, des enregistrements sonores intimes à caractère sexuel contre quelqu’un, pour se venger, pour l’humilier, le discréditer.
C'est le cas en les rendant publiques sur internet comme dans l’affaire Benjamin Griveaux, ou en exerçant un chantage, en menaçant de les publier pour obtenir quelque chose. On parle alors de "sextorsion".
Ces contenus peuvent avoir été réalisés avec ou sans l’accord de la personne filmée. Mais dans le "Revenge Porn", la diffusion se fait toujours sans le consentement de la personne qui est sur les images.
La personne qui les diffuse ou qui menace de les diffuser est le plus souvent proche de la victime, un ex-compagnon par exemple. Il peut aussi s'agir d'images volées par une personne que la victime ne connaît pas.
Un fait qui n’est pas nouveau
En France, l’affaire Benjamin Griveaux a révélé ce type de pratique à de nombreux de Français, mais le fait qu’une personnalité publique soit victime de "Revenge Porn", n'est pas nouveau.
C'est devenu une pratique assez courante depuis quelques années, dont les personnalités publiques, les stars, sont régulièrement victimes.
Voici quelques exemples parmi d’autres…
- En France, en 2007, la nageuse Laure Manaudou est victime de "Revenge Porn" et on soupçonne son ex, le nageur italien, Luca Marin d’avoir diffusé des photos d'elle nue sur internet.
- En 2009, c’est la chanteuse Rihanna qui a été, elle aussi, victime de "Revenge Porn". Après sa rupture avec le chanteur Chris Brown, des photos d’elle nue ont été diffusées sur internet et à l’époque tous les soupçons se portent là aussi sur son ex Chris Brown.
- En 2014, plusieurs comptes de célébrités ont été piratés aux Etats-Unis, c’est le "celebgate", et par exemple des photos de l’actrice Jennifer Lawrence nue ont été diffusées sur la toile.
Une pratique qui ne concerne pas que les stars et les personnalités publiques
Il aura fallu qu’un homme connu soit touché pour qu’on s’intéresse à ce sujet en France mais les principales victimes sont les femmes, et en particulier les adolescentes et les jeunes femmes. Les auteurs de ces actes malveillants sont le plus souvent des hommes. La plupart du temps, c’est l’ex, pour se venger après une rupture ou pour se venger parce que sa copine/compagne l’a trompé.
Pourquoi les jeunes sont-ils des cibles faciles du "Revenge Porn" ?
Avec les nouvelles technologies, de nouveaux comportements se développent, c’est le cas du "sexting" : le fait d’envoyer par texto des photos intimes. C’est un jeu érotique, qui peut commencer très jeune. Ces pratiques sont très courantes chez les moins de 25 ans. Les jeunes générations ont un autre rapport au téléphone portable et à internet et sont constamment sur leur téléphone. C'est l’ère des selfies, se prendre en photo, s’afficher sur les réseaux sociaux. Les jeunes ont très peu conscience des risques liés aux envois de photos intimes, et c’est pour ça que le "Revenge Porn" fait beaucoup de victimes chez les jeunes et principalement sur les réseaux sociaux. Selon une récente enquête, plus d’un jeune sur 4 a déjà vu passer des photos ou vidéos de "Revenge Porn" !
Pour les victimes de "Revenge Porn", les conséquences peuvent être dramatiques
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le "Revenge Porn" est vraiment vécu par les victimes comme une agression sexuelle. Retrouver son intimité révélée à tous sur internet à son insu, peut être extrêmement violent, extrêmement dur à vivre et encore plus quand on est jeune, au collège ou au lycée.
Ces photos/vidéos postées sur internet s’accompagnent très souvent de harcèlement et de cyber-harcèlement : des insultes, des appels anonymes, des menaces…
Les victimes vont s’isoler, changer d’établissement scolaire, être déscolarisées
Cela peut aussi avoir des conséquences sur la vie sexuelle et sentimentale des victimes avec une difficulté pour faire confiance, pour s’attacher à nouveau.
Les conséquences peuvent être graves : dépression, syndrome de stress post-traumatique et même suicide pour les personnes qui ne se remettent pas de ce traumatisme. En 2016, en Normandie, une adolescente de 15 ans s’est suicidée suite à la divulgation d'une photo d’elle dénudée, envoyée à un garçon.
Cela peut aller très loin. Pour les victimes, ce qui est très dur à vivre, c’est que leur souffrance est très peu prise en compte, minimisée, car ce n’est pas une agression physique.
Aujourd’hui c’est d’ailleurs un des combats des associations de protection de l’enfance, qui demandent qu’on prenne la mesure de ce fléau chez les jeunes.
Que dit la loi et que risquent les auteurs de "Revenge Porn ?
En France, depuis une loi de 2016, c’est un délit. On parle d’atteinte à l’intimité sexuelle. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 2 ans de prison et 60 000 euros d’amende. Les personnes qui relaient et partagent ces images/vidéos/enregistrements sonores sur internet encourent la même peine.
Ces atteintes à l’intimité sexuelle sont-elles en augmentation ?
Le réseau social Facebook reçoit en moyenne 500 000 signalements par mois pour des contenus qui s’apparentent à du "Revenge Porn". En France, on a enregistré une hausse de près de 11% entre 2018 et 2019. Avec 2 839 plaintes déposées en 2019 contre 2 564 en 2018. Évidemment comme toujours, le nombre de victimes est supérieur, puisque beaucoup ne portent pas plainte.
- Par peur des représailles.
- Par honte et chez les ados il y a vraiment la crainte que les parents l’apprennent.
- À cause de la culpabilité, beaucoup de victimes ne portent pas plainte en pensant que rien ne va être fait pour elles, et de peur que ça se retourne contre elles : "après tout, elle l’a bien cherché, elle n’avait qu’à pas envoyer des vidéos/des photos à son copain".
Les plaintes, quand elles existent, sont souvent classées sans suite. Ce qui est très difficile à vivre pour les victimes.
Quels conseils donner pour se protéger et protéger enfants ou petits-enfants ?
- Le premier conseil serait de dire de ne pas envoyer de photos/vidéos intimes sans savoir ce qu’elles vont devenir, c'est très dangereux… Chacun fait ce qu’il veut, on ne peut pas empêcher les gens de s’envoyer des images à caractère sexuel mais il faut rester vigilant.
- Il faut plutôt faire de la prévention. Pour les parents d’adolescents, informer leurs enfants des dangers d’internet, de la malveillance, de la e-réputation. Une fois que quelque chose est sur internet c’est extrêmement difficile de l’effacer. Même si la photo/vidéo est retirée, elle peut avoir été copiée ailleurs et très souvent les images de "Revenge Porn" se retrouvent sur des sites pornographiques.
- Si vous êtes victime de "Revenge Porn", portez plainte, c’est très important. Plus les victimes porteront plainte, plus on connaîtra l’ampleur de ces violences d’un genre nouveau, qui sont encore peu connues.
- Parlez-en à vos proches et n’hésitez pas à consulter un psychologue si besoin pour vous aider à surmonter le traumatisme.
Si vous êtes victime, il ne faut pas rester dans le silence. Une fois encore la honte doit changer de camp !