Pouce ou tétine ? Rien, merci…
Des générations d’enfants ont écopé de surnoms farfelus dans les cours de récréation à cause de leur addiction au pouce ou à la "tototte". Une tendance qui s’amplifie. A partir du lundi 7 novembre 2011, la Fédération française d’orthodontie débat des risques de la tétine et du pouce et ouvre son congrès au grand public (Palais des congrès, Paris).
Jean-Baptiste Kerbrat, président du Comité d'organisation des journées d'orthodontie, répond à nos questions.
Quels sont les risques pour un enfant qui suce le pouce ou la tétine ?
Jean-Baptiste Kerbrat : "Les risques sont fonction du temps. Ce n'est pas le pouce ou la tétine en soi qui représentent un problème, mais plutôt le nombre d'heures passées dans la journée avec la tétine ou le pouce dans la bouche. Entre un enfant qui va s'endormir avec son pouce et le quitter tout de suite après et un enfant qui reste avec, toute la journée, c'est le jour et la nuit en terme de déformation.
"Les déformations sont d'ordre anatomique et physiologique : quand les deux mâchoires n'ont plus la même taille, les dents ne se touchent pas et ça forme une béance. Les enfants vont donc avoir tendance à moins respirer par le nez et plus par la bouche. Les dents se mettent aussi à pousser en désordre, car elles n'ont pas la place de s'installer.
"Et le problème n'est pas seulement esthétique : lorsqu'on place mal sa langue, on développe des problème de respiration, d'élocution, voire de mastication. Et puis l'air qui passe dans le nez a plusieurs fonctions : il sculpte et développe la mâchoire du haut mais nettoie aussi les fosses nasales. Ce qui explique que les enfants qui sucent leur pouce ou la tétine ont plus d'infections O.R.L, davantage de rhumes, d'otites, de rhinites ou d'infections des végétations."
On vend maintenant en pharmacie des tétines physiologiques. On peut les consommer sans modération ?
Jean-Baptiste Kerbrat : "On a même entendu pire : des tétines orthodontiques ! Non, non et non ! Tout ce que vous mettez entre les dents d'un enfant ne peut pas être physiologique. Ces tétines ont une forme qui ressemble au sein de la mère, mais l'utilisation n'est pas physiologique. Si on les donne juste pour que l'enfant s'endorme, ça va encore. Mais plusieurs heures par jour, c'est néfaste.
"Alors bien sûr qu'une tétine, plus petite, plus molle, est moins néfaste qu'un pouce en définitive. Mais le pouce présente l'avantage d'être géré par l'enfant lui-même. Chacun est donc dans son rôle. Y compris les parents qui peuvent, à un moment, inciter l'enfant à s'en séparer. C'est quand même pas tout à fait naturel que des parents mettent quelque chose dans la bouche de leur enfant pour qu'il se taise. A un an, une tétine, ça va encore. A 3-4 ans, il faut essayer de résoudre le problème et à 6 ans, il faut vraiment prendre des mesures. Mais ça doit se régler avec l'enfant. Cela étant, je ne veux pas culpabiliser les parents. L'excès nuit. Une fois qu'on a compris cela, on peut faire les choses intelligemment."
Certains dégâts sont-ils irréversibles ?
Jean-Baptiste Kerbrat : "Il n'y a pas de dégât irréversible, non. Mais plus l'enfant arrête tardivement de sortir son pouce, plus les traitements seront lourds. Si la respiration n'est plus nasale, il faut agrandir le palais de l'enfant avec une rééducation ou un appareillage, par exemple. Quand on écarte un palais, les fosses nasales s'agrandissent. Donc l'enfant a plus d'air dans le nez et on peut lui apprendre à fermer la bouche pour respirer. Dans les cas les plus difficiles, on peut recourir à la chirurgie pour agrandir artificiellement le palais.
"Il y a aussi les traditionnels appareils, avec des bagues, quand les dents ont poussé de travers. Donc vous voyez, on a donc beaucoup de moyens pour résoudre les problèmes. Mais si on peut les éviter, c'est encore mieux."
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