Confinement : quelles conséquences sur les addictions ?
Avec le confinement puis le déconfinement, les consommations de tabac, d’alcool, de drogues, les addictions en général ont été modifiées. Les explications du Dr Alice Deschenau, psychiatre en addictologie.
Pour continuer à suivre les patients et maintenir les prises en charge durant cette crise du Covid-19, il a fallu que les médecins se réorganisent. Grâce à l’énergie des professionnels sur le pont, des centres et des consultations ont dû fermer mais certaines ont continué grâce à un télésuivi.
Pour les patients qui étaient abstinents, la prévention de la rechute était un défi face à tous les facteurs de stress et, on y pense moins spontanément, mais, d’ennui aussi.
La majorité des patients toujours consommateurs ont dû moduler leurs consommations dans un sens ou l’autre, envers une substance ou une autre, pour deux types de raisons :
- Les changements dans l’accès : la restriction des déplacements, l’assèchement de certaines voies d’approvisionnement, les problèmes financiers.
- Les changements dans l’état physique, psychique et émotionnel des personnes : anxiété, déprime, frustration, fatigue, etc. Que ce soit en lien avec l’épidémie, une situation familiale ou professionnelle, etc.
Des données disponibles côté tabac
Suivant les premiers chiffres de l’enquête CoviPrev de Santé Publique France auprès de 2 000 adultes dont 422 fumeurs au 30 mars/1er avril.
- 27% déclaraient que leur consommation de tabac avait augmenté (5 cigarettes/jour en moyenne).
- 55% qu’elle était stable.
- 19% qu’elle avait diminué.
Ceux qui avaient augmenté étaient plutôt âgés de 25-34 ans, des actifs à domicile et des femmes. Ces augmentations étaient associées au niveau d’anxiété et à la dépression. Ces fumeurs citaient en premier lieu l’ennui et le stress comme cause. Les résultats sont assez partagés.
Du côté de l’alcool
Voici les chiffres de l’étude, parmi les 1 344 usagers d’alcool interrogés :
- 11% déclaraient que leur consommation d’alcool avait augmenté depuis le confinement.
- 65% déclaraient qu’elle était stable.
- 24% qu’elle avait diminué.
Une minorité a augmenté, pour la majorité c’était en termes de fréquence et dans une moindre mesure de quantité. Il s’agissait surtout des moins de 50 ans, habitant dans des grandes villes, parents d’enfants de moins de 16 ans.
Un quart environ a donc réduit sa consommation d'alcool. Il faut probablement considérer la modification de l’accès et des occasions : fermeture des bars, des restaurants, des salles de concerts, l’annulation des festivals, la limitation des rencontres et des visites, parfois des courses.
Pour des personnes avec des consommations importantes en situation sociale, c’était une période de réduction. Pour des personnes avec des consommations conséquentes à domicile, c’était probablement moins évident. Un certain nombre de patients qui, habituellement se restreignaient via le travail, le sport, se sont retrouvés sans ces supports.
Des patients dépendants à d’autres substances et rencontrant des difficultés pour s’approvisionner se sont " rabattus" sur l’alcool.
Du côté des drogues
D'après les premiers éléments d’une enquête, la Global Drug Survey (GDS)-spéciale Covid 19, il semblerait que seule une minorité de 20% environ des consommateurs de cannabis auraient diminué. En banlieue parisienne, des usagers se plaignaient parfois d’une moindre disponibilité du deal de rue, ou de produits de moindre qualité mais finalement pas la majorité. Certains aussi ont été faire " le plein" à l’annonce du confinement.
Pour des substances comme la cocaïne, la MDMA/ecstasy, lorsque l’usage était festif, il a réduit de fait en l’absence d’événements. La réduction de la disponibilité du produit était limitante pour certains consommateurs. Pour autant cela a semblé dépendre des circuits d’approvisionnement qui sont diverses : de la rue à internet en passant par les call centers et autre numéro de téléphone permettant une livraison à domicile.
Quid des personnes prises en charge pour des addictions ?
Dans une enquête de la Fédération Française d’Addictologie de modeste ampleur auprès de 188 personnes suivies en addictologie, elles n’étaient qu’un tiers environ à déclarer avoir pu " gérer" leurs consommations. Seule la moitié environ des usagers trouvaient que leurs consommations n’avaient pas bougé. Les difficultés psychologiques étaient évoquées plus souvent que les questions d’approvisionnement.
Si presque tous déclaraient une continuité des traitements, ils étaient environ 10% à avoir vécu un ou des sevrages difficiles durant le confinement et un quart environ pensait avoir besoin d’aide supplémentaire, psychologique et sociale en premier lieu.
L’influence de cette période aura donc été très variable selon l’état psychologique, le maintien de l’activité, le contexte à domicile, la réduction de la vie sociale et d’autres facteurs encore probablement.
Quelle que soit la situation dans laquelle vous vous êtes retrouvé, et si vous êtes un consommateur de tabac, d’alcool, de drogues, de médicaments, vous pouvez vous informer via les sites en ligne. Tabac, alcool, drogues info services mais aussi auprès de votre généraliste ou d’un addictologue .
Ralentissez et pensez à déconfiner vos neurones !