De grands chefs étoilés pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires
Faire attention à ce que l'on mange, c'est prendre soin de sa santé. La Fondation Recherche Cardio-vasculaire-Institut de France a souhaité mettre l'accent sur l'importance de l'alimentation dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Elle a ainsi convié grands chefs étoilés et cardiologues sous la coupole de l'Institut de France, le 10 avril 2013, pour un programme alléchant.
Quand l'alimentation rejoint la médecine
"Que ton aliment soit ta seule médecine"... C'est en rappelant cette prescription d'Hippocrate que l'académicien Gabriel de Broglie a accueilli les participants.
Si l'alimentation joue un rôle-clé dans notre santé en apportant les éléments indispensables à notre corps, comme les nutriments, vitamines, sels minéraux et oligo-éléments, elle se révèle à double tranchant lorsqu'elle apporte des éléments délétères pour la santé.
Ainsi le mauvais cholestérol favorise-t-il les infarctus et les AVC, le sel est-il mis en cause dans l'hypertension et le sucre dans le diabète, facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires. Des affections qui sont responsables d'un décès sur trois dans le monde selon l'OMS et qui peuvent être prévenues pour la plupart en s'attaquant à leurs facteurs de risque (tabagisme, mauvaise alimentation, obésité, sédentarité, hypertension artérielle, diabète,…).
Des mesures simples telles qu'arrêter de fumer, pratiquer une activité physique régulière, diminuer sa consommation d'alcool, traiter l'hypertension et le diabète et surtout manger des fruits et légumes, réduire l'apport en sel et les mauvaises graisses dans son alimentation, ont prouvé leur efficacité dans la réduction du risque de maladie cardio-vasculaire.
Alors comment faire en sorte que les patients puissent respecter les consignes données tout en gardant une qualité de vie acceptable ? Et comment entretenir sa bonne santé grâce à l'alimentation ? Les grands chefs ont retroussé les manches de leur tablier pour relever le défi.
La chasse au mauvais cholestérol
Le cholestérol fait partie des lipides, les graisses ; il est synthétisé aux 2/3 par le foie et le 1/3 restant provient de l'alimentation. On distingue le "bon cholestérol", appelé HDL cholestérol car il est transporté par des protéines, les HDL High Density Lipoproteins et le "mauvais" cholestérol ou LDL cholestérol, transporté par les Low Density Lipoproteins. C'est ce dernier qui lorsqu'il est en excès, participe à la formation des plaques d'athérome sur la paroi des vaisseaux et dans le cœur.
Il est donc recommandé aux personnes qui ont un excès de cholestérol de diminuer sa consommation de mauvaises graisses, contenues dans les produits laitiers entiers (lait, fromage, crème fraîche,…), les viandes grasses, les abats, les charcuteries mais aussi les pâtisseries, gâteaux apéritifs, barres chocolatées, fritures, plats industriels cuisinés.
"Pour qu'un régime soit bien suivi, il ne doit pas être contraignant", conseille le Pr Fabiani, chirurgien cardio-vasculaire. "Je conseille donc à mes patients de suivre le régime crétois, avec davantage de viande blanche, du poisson, du pain complet de préférence, beaucoup de fruits et légumes verts, du fromage de chèvre ou de brebis (moins gras que le fromage de vache). Ils doivent également éviter les jaunes d’œuf en tenant compte de ceux qui sont dans les pâtisseries, les quiches,… Deux œufs par semaine en cas d'excès de cholestérol ou d'hypertension sont autorisés."
"Les huiles végétales mono ou polyinsaturées sont conseillées, en d'autres mots il s’agit des huiles de tournesol, d'olive ou de colza. Un verre de vin rouge par jour peut être bu en toute bonne conscience, grâce à la présence de resvératrol, un polyphénol qui diminuerait le risque d’accidents cardio-vasculaires", précise le professeur Fabiani.
Les valeurs normales du cholestérol et des triglycérides
En l'absence de facteur de risque cardio-vasculaire (hypertension, tabagisme, diabète,…), le cholestérol total doit être inférieur à 2 g/l, le LDL cholestérol en dessous de 1,6 et le HDL supérieur à 0,6. Les triglycérides sont inférieurs à 1,5 g/l.
Mollo sur le sel
Le sel tient une place importante dans notre cuisine. N'utilise-t-on pas l'expression le "sel de la vie" pour parler de l'attrait de la vie ?
Hélas, il peut favoriser une hypertension artérielle et l'hypertrophie du ventricule gauche. L'OMS recommande donc consommer seulement 5 grammes de sel par jour !
Là où cela se complique, c'est que 80% du sel consommé est caché dans les aliments qui à priori ne semblent pas salés : le pain, les biscottes, les gâteaux, les plats industriels. D'après l'INPES, une rondelle de saucisson, une poignée de biscuits apéritifs ou de chips, un bol de soupe, 1/3 de sandwich ou encore une part de pizza ou quatre tranches de pain apportent 1 gramme de sel.
Comment réduire sa consommation de sel ?
Commençons déjà par bannir la salière de la table et par réduire la consommation d'aliments très salés, comme les charcuteries, les poissons et viandes fumés, les biscuits apéritifs, les cornichons,… Autre conseil, lire attentivement les étiquettes et les comparer afin de choisir au sein d'une même catégorie, les marques moins riches en sel. Attention, le sel de table est du chlorure de sodium (NaCl) alors que la valeur indiquée sur les étiquettes est généralement du sodium (Na). Un gramme de sodium équivaut à 2,5 grammes de sel.
Enfin, il est conseillé de toujours goûter son plat avant de le resaler ou de l'assaisonner avec des épices.
Pas d'aliment miracle ni d'aliment poison
Au cours du colloque, le Pr Brucker, est judicieusement revenu sur la difficulté d’évaluer l’impact d’un aliment pris isolément. ‘Il n’y a pas d’aliment miracle ou d’aliment poison. C’est la quantité et le mode alimentaire qui sont importants.’
L'étude PREDIMED a comparé l’alimentation de type méditerranéen (régime crétois, complété d’huile d’olive ou d’amandes et de noix) à une alimentation classique. Le régime crétois diminuait de 30% les risques d'accident cardio-vasculaires. "Attention, prise isolément sur la même durée que l'étude, l'huile d'olive ou les amandes n'auraient aucun effet, met-il en garde, c'est un ensemble de mesures qui sont efficaces. Et l'efficacité de la diététique peut atteindre près de 30% en associant les différentes recommandations."
En plus du régime crétois, il conseille d'augmenter la ration de fibres, de limiter la consommation de beurre et de fromages au profit d'autres sources de calcium, de consommer des produits riches en soja, des amandes, noix, noisettes, etc. Maintenir un poids idéal et limiter sa consommation d'alcool contribuent également à prévenir les maladies cardio-vasculaires.
Conseils pratiques pour cuisine savoureuse
Pour garder des artères et un cœur en pleine forme, bousculer un peu ses habitudes et s'inspirer de la cuisine crétoise serait un bon début. Mettre du plaisir dans son assiette semble essentiel pour Ghislaine Arabian, chef du restaurant "Les Petites Sorcières" à Paris. Elle conseille pour remplacer le sel de mariner une viande ou un poisson dans du citron ou dans un jus de betterave rouge. Les vinaigrettes peuvent se confectionner à l'aide de jus de légumes.
Cassoulet, Paris-Brest et vinaigrette light
Michel Guérard, chef du restaurant Relais & Chateaux "Les Près d'Eugenie" et fervent promoteur d'une cuisine santé conseille lui de remplacer la moitié de l'huile d’olive par un bouillon aromatisé à l'aide d’herbes.
Il donne une version étonnante du cassoulet : "on remplace une partie des haricots par des légumes et des racines, taillés en dé. Et les saucisses sont préparées à base de volaille, plus diététique." Sa version du Paris-Brest est tout aussi savoureuse avec une crème fouettée, allégée d'un blanc monté et parfumée au café ou à la chicorée.
Ses recettes réduisent ainsi de cinq à six fois la charge calorique des plats traditionnels. Un concept qui met l'eau à la bouche lorsque l'on veut perdre du poids sans sacrifier aux légumes vapeur parfois tristes !
Thierry Marx, chef au "Mandarin Oriental", explique lui comment il a mis au point des gâteaux moins sucrés. "On a étudié comment les moines bénédictins cuisinaient un gâteau à base de chartreuse. Ils distillaient le miel pour ne garder que son arôme et non ses calories. On s’en est alors inspiré pour créer d’autres desserts, moins sucrés mais tout aussi riches en saveurs."
De la créativité dans l'assiette
On s'aperçoit qu'une cuisine saine et équilibrée ne se fait pas au détriment du goût. Et la beauté d'une assiette, l'odeur qui s'en dégage, les amis avec qui l'on partage le met sont autant d'éléments contribuant au plaisir de manger. Et inutile d'invoquer le manque de temps, "il faut 20 minutes pour cuisiner un bon repas !", scande Thierry Marx.
Si tout le monde n'a pas la créativité d'un grand chef, les idées fourmillent sur Internet… Préparer le repas en famille semble aussi essentiel car tous les chefs présents s'accordent sur la nécessité d'apprendre la cuisine aux enfants à l'école pour en faire des "militants du mieux manger", pour reprendre l’expression de Thierry Marx. Il estime qu'aucun enfant n'aime les légumes. "Mais s'il s'approprie la façon de les transformer, il aimera ! C'est de la responsabilité de l'Education nationale." En attendant que la cuisine rejoigne le banc des matières scolaires, les parents pourraient associer les enfants à la préparation des repas. Le plaisir du temps passé ensemble démultipliera celui des papilles !
Un chef hors normes…
Prendre plaisir à bien se nourrir, c'est le postulat de base de Thierry Marx, chef français réputé.
Concilier cuisine et santé est une évidence pour le roi des cuisines du "Mandarin Oriental" : "C'est du bon sens de rapprocher la médecine et la cuisine."
Lui qui a vécu 5 ans au Japon raconte qu'à l'inverse des Français, les Japonais prennent soin de leur corps avec leur alimentation car cela coûte cher de se soigner dans ce pays où la sécurité sociale n'existe pas.
D'après le chef, la crise, avec le coût des soins, a mis en exergue l'importance de bien se nourrir. "Les clients désormais nous interrogent sur les problématiques de santé, ils arrivent avec des demandes particulières (comme le régime sans gluten, végétarien, hypocalorique,…)". Le cuisinier s'y adapte. In fine, il répond aux problématiques de société.
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